2021-11-09
 
Cette section est réservée aux membres du RQD

Sobriété numérique: de la maison à la diffusion de spectacles

© Sigmund – Unsplash

De nombreux gestes du quotidien – comme faire des visioconférences avec des collègues, publier une vidéo sur Facebook, prendre un rendez-vous ou visionner des spectacles en ligne – font partie des usages liés au numérique. Ces usages sont en constante augmentation et génèrent des impacts environnementaux de plus en plus importants. Dans cet article, apprenez-en plus sur l’impact environnemental du numérique et découvrez plusieurs conseils vous permettant de le réduire, de la gestion des équipements électroniques à la diffusion de spectacles en ligne.

L’impact global du numérique

Il peut être difficile, aux premiers abords, de réaliser que le numérique a des impacts environnementaux. Lorsqu’on y pense, on imagine un phénomène abstrait, qu’on ne peut toucher, qui se passe dans les nuages, dans le cloud. La réalité est toute autre. Le numérique ne peut exister sans l’utilisation d’équipements tels que des ordinateurs, des cellulaires, des tablettes, des téléviseurs, des consoles de jeu et d’autres objets connectés. Ces appareils requièrent l’utilisation d’autres équipements nécessaires au stockage de données et à la connexion au réseau Internet comme les routeurs, les modems, les tours 4G et 5G et tout le réseau filaire qui parcoure le monde. D’ailleurs, pour vous donner une idée de l’ampleur du réseau filaire sous-marin, vous pouvez aller voir cette carte.

La production de l’ensemble de ces équipements est à la source d’impacts environnementaux importants puisqu’elle requiert:

  • l’extraction de métaux rares qui sont difficilement recyclables;
  • l’utilisation et la pollution d’une grande quantité d’eau;
  • la consommation d’énergie primaire.

Les impacts en chiffres

Selon l’étude de Frédéric Bordage de GreenIT (2019), notre consommation croissante d’appareils et de données numériques cause plusieurs impacts importants:

  • L’épuisement des ressources abiotiques, soit les ressources naturelles non renouvelables comme les minerais: il est estimé que 22 millions de tonnes sont requises annuellement pour la production d’équipements électroniques.
  • La consommation d’eau douce requise pour la fabrication de ces appareils est de l’ordre de 7,8 millions de m3, soit 0,2 % de la consommation mondiale annuelle.
  • La quantité d’énergie primaire consommée par le secteur numérique est de 6 800 TWh, ce qui représente 4,2 % de la consommation d’énergie primaire mondiale.

En 2019, le numérique était responsable de 3,5 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales, selon The Shift Project (2021). Ça représente autant que toute l’aviation civile internationale et ça pourrait doubler d’ici à 2025 pour atteindre 7 %!

Ainsi, chaque achat d’un nouvel ordinateur, d’un nouveau cellulaire ou d’une montre intelligente engendre, bien avant son utilisation, une énorme quantité d’impacts environnementaux.

Également, l’utilisation d’une quantité toujours plus grande d’équipements numériques et la croissance du nombre d’utilisateurs dans le monde entraînent une explosion des volumes d’utilisation des données. Cette forte croissance se répercute sur l’environnement. On peut comparer la situation à un cercle vicieux:

  • L’augmentation des usages du numérique entraîne le renouvellement des infrastructures (apparition du 5G, nouvelles tours, nouveaux équipements de stockage de données, etc.).
  • Ces améliorations mènent à la création de nouvelles offres (des cellulaires avec de nouvelles fonctionnalités, des vidéos de meilleure qualité, etc.).
  • Ces nouvelles offres auront, de nouveau, des répercussions sur l’augmentation des usages (augmentation du nombre de données utilisées, achats de nouveaux équipements).
  • Et ainsi de suite.

Il est donc nécessaire d’aborder la problématique sous un angle différent, soit la sobriété numérique, afin de diminuer les usages.

Wifi ou données cellulaires?

Selon l’Agence internationale de l’énergie (IEA), le visionnement de vidéos sur un cellulaire connecté au 4G, au Canada, émet trois fois plus de gaz à effet de serre que le visionnement sur le réseau Wifi.

 La sobriété numérique comme alternative à la surconsommation

Heureusement, la sobriété numérique est une solution à la surconsommation numérique et à ses impacts néfastes. Ce concept relativement nouveau se base sur trois constats:

  • Le numérique est matériel et ses impacts sur l’environnement sont concrets;
  • L’intensité énergétique de l’industrie augmente sans cesse;
  • Les tendances actuelles mènent à la surconsommation des équipements numériques et des données. Cette surconsommation n’est pas soutenable.

Les bonnes pratiques individuelles

En tant qu’individu et professionnel·le des arts de la scène – travailleur·euse culturel·le, interprète, chorégraphe, enseignant·e, concepteur·trice, musicien·ne – l’utilisation du numérique est courante et nécessaire. La sobriété numérique ne vise pas à éliminer la présence du numérique dans notre quotidien. Elle cherche plutôt à l’utiliser de façon raisonnable en ayant une pleine conscience de ses impacts. Ainsi, cinq gestes peuvent être posés pour tendre vers une sobriété numérique:

  1. Allongez la durée de vie des appareils: Plus les équipements sont bien entretenus, plus ils durent longtemps et plus les impacts environnementaux sont répartis sur une longue durée de vie. Essayez toujours de faire réparer vos appareils plutôt que de les renouveler.
  2. Mutualisez les équipements ou réemployez-les: Une autre façon de diminuer la surconsommation d’équipements est de partager ceux qui ne sont pas nécessaires tous les jours comme les caméras, les micros, les tablettes, etc. Il est également possible d’utiliser les mêmes appareils à la maison qu’au travail pour éviter de doubler le nombre d’équipements nécessaires. En cas d’un nouveau besoin réel, visez la location ou l’achat d’appareils usagés ou reconditionnés.
  3. Limitez l’usage du cloud: S’il n’est pas nécessaire que les fichiers (photos, vidéos, documents) soient accessibles en tout temps, stockez-les localement, par exemple sur un ordinateur, une clé USB ou un disque dur externe. Cela permet de limiter le volume de données stockées dans les centres de données.
  4. Diminuez le visionnement de vidéos, surtout via le réseau cellulaire: Les flux de vidéos représentent 80 % du trafic Internet. Autant que possible, diminuez la quantité de vidéos visionnées en ligne. Pour ce faire, vous pouvez modifier les paramètres sur les réseaux sociaux pour éviter la lecture automatique des vidéos lorsque vous parcourez le fil d’actualité. Aussi, vous pouvez éviter d’écouter de la musique sur YouTube et privilégier plutôt les fichiers audios. Lorsque nécessaire, privilégiez le visionnement de vidéo lorsque vous êtes connecté·e·s au réseau Wifi plutôt qu’à un réseau cellulaire et diminuez autant que possible la résolution de l’image.
  5. Utilisez les courriels judicieusement: Chaque courriel est stocké dans des centres de données afin qu’on puisse y accéder sur tous nos appareils, à tout moment. Plus nombreux sont les courriels et plus ils sont volumineux, plus ils génèrent d’impacts. Il est donc judicieux de diminuer le poids des courriels en évitant d’y mettre des pièces jointes et en mettant plutôt un lien vers une page Web contenant déjà le document. Il est également possible de compresser les pièces jointes avant l’envoi. Finalement, limitez le nombre de destinataires lorsque possible et supprimez régulièrement vos courriels pour éviter qu’ils ne s’accumulent inutilement (pensez à vider la corbeille, les pourriels et les messages envoyés également!).

Les bonnes pratiques pour la captation et la diffusion d’un spectacle

En gardant en tête les concepts de la sobriété numérique, il est également possible d’adopter de bonnes pratiques lors de la captation ou lors de la diffusion d’un spectacle en ligne. L’idée est d’analyser et de comprendre les avantages d’une telle diffusion tout en utilisant le numérique raisonnablement. Ainsi, il est recommandé de:

  • Filmer en HD plutôt qu’en 4K afin que la vidéo soit moins lourde à stocker.
  • Compresser les vidéos avant de les transférer à des collègues ou clients.
  • Diminuer la résolution de la vidéo avant sa diffusion (HD plutôt que 4K par exemple), ainsi la quantité de données nécessaires à l’écoute par le public sera moins élevée. Le visionnement d’une vidéo en trop haute résolution n’est souvent pas nécessaire sur un ordinateur ou un cellulaire.
  • Rendre disponible la vidéo pour une durée limitée seulement puis la supprimer des sites Web après cette date limite. La vidéo pourra être ensuite stockée localement pour de prochaines utilisations.

Sobriété numérique et bien-être

Par de multiples gestes, il est possible de réduire l’empreinte environnementale du numérique pour le bien-être de notre planète. La sobriété numérique est d’autant plus intéressante qu’elle contribue également au bien-être individuel en diminuant les effets négatifs de l’hyperconnectivité. La Direction régionale de santé publique (2019) associe plusieurs troubles à l’hyperconnectivité dont la fatigue chronique, les troubles de la concentration et du sommeil et la baisse de l’estime de soi. Ainsi, adopter des gestes visant l’utilisation raisonnée du numérique permet également de contribuer à une meilleure santé mentale et physique dans son ensemble.

En conclusion, le numérique est actuellement en forte croissance. Malheureusement, ce n’est pas soutenable au regard de l’approvisionnement en énergie et en matières premières. Cette croissance génère des impacts environnementaux qui peuvent être gérables seulement si les individus, les professionnel·le·s et les organisations l’utilisent plus sobrement et en pleine conscience. Une fois que l’on réalise l’ampleur de la problématique, on doit tenter de faire sa part pour limiter les impacts environnementaux du numérique en s’engageant à changer quelques habitudes et à encourager la sobriété numérique à la maison comme au travail. Vous avez maintenant quelques pistes en main pour y arriver!

 

Sources:


IEA. (2020). The carbon footprint of streaming video: fact-checking the headlines. En ligne: https://www.iea.org/commentaries/the-carbon-footprint-of-streaming-video-fact-checking-the-headlines

Shift Project. (2021). Impact environnemental du numérique: tendances à 5 ans et gouvernance de la 5G: https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2021/03/Note-danalyse_Numerique-et-5G_30-mars-2021.pdf

GreenIT. (2019). Empreinte environnementale du numérique mondial: https://www.greenit.fr/wp-content/uploads/2019/10/2019-10-GREENIT-etude_EENM-rapport-accessible.VF_.pdf

Direction régionale de santé publique du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. (2019). Les écrans et la santé de la population à Montréal: https://santemontreal.qc.ca/fileadmin/user_upload/Uploads/tx_asssmpublications/pdf/publications/Les_ecrans_et_la_sante_de_la_population_a_Montreal.pdf