Défendre la place des arts dans une société moderne occidentale est un éternel combat. Les acquis, quels qu’ils soient, restent fragiles, menacés par la cause économique, soumis à la volonté politique. Même si les pressions conjuguées du rassemblement du 24 avril dernier et des interventions de l’opposition à l’Assemblée nationale ont forcé l’engagement du ministre de la Culture et des Communications à augmenter dès cette année le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), cela ne garantit pas de mesures à la hauteur des besoins ni de parti pris politique ferme et durable pour le développement des arts. Ainsi, en marge des actions menées par le Regroupement québécois de la danse et autres associations, nous avons collectivement intérêt à ce que chaque amoureux des arts s’en fasse l’ambassadeur auprès de ses concitoyens pour tenter de transformer les a priori négatifs et les réticences en curiosité et en élan. Un beau défi à relever.
Du pain et des jeux. Les philosophes de la Rome antique ont résumé dans cette expression l’idée qu’un peuple nourri et diverti est un peuple assoupi et docile. Avec son flot continu d’informations et la connexion perpétuelle au monde virtuel, la modernité rend, par certains aspects, l’accès plus difficile à cet espace-temps intérieur où l’art vient résonner et produire ses miracles. De quoi cristalliser les positions des détracteurs des arts. De quoi, aussi, influencer les choix du quidam moyen sur-sollicité – et j’en suis –, qui optera plus volontiers pour un divertissement facile que pour une proposition exigeant de lui un certain engagement.
À celui-là, il faut tendre la main. Ouvrir des portes lui permettant d’intégrer que l’art n’est pas si hermétique qu’il le croit, que le sens de l’œuvre lui appartient, que son opinion et son discours sont légitimes. À celui-là, il faut retendre la main. Rappeler que les déceptions font partie de la fréquentation des arts, qu’elles l’aident à affiner ses goûts, à définir ses préférences, que de nouvelles aventures lui sont toujours offertes. Les expériences répétées sauront le convaincre de l’intérêt de faire une place pour l’art dans sa vie bien mieux que toute forme d’arguments.
Ce qu’on appelle communément le développement de public, ce qu’on veut quantifier pour justifier l’intérêt d’investir dans les arts, est en réalité du développement de conscience, de l’entrainement à l’humanisme. Et si les plaidoyers, le lobbying et les banderoles sont nécessaires pour parvenir à se faire entendre de nos élus et autres décideurs, la politique commence dans la plus pure intimité de nos choix de vie. Des choix sur lesquels nous avons tout pouvoir.
Fabienne Cabado
Directrice générale du RQD