2020-02-03
 
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État des lieux de la diffusion de la danse dédiée aux jeunes publics

État des lieux de la diffusion de la danse dédiée aux jeunes publics

En novembre dernier, un Forum sur la diffusion de la danse jeune public au Canada* réunissait près d’une centaine de diffuseurs, artistes, agents et représentants de compagnies. Ginette Ferland, agente de développement et de diffusion à la longue feuille de route, a profité de son allocution au panel d’ouverture pour faire ressortir les spécificités de la situation québécoise, nommer les enjeux les plus pressants, souligner quelques bons coups et rendre un hommage vibrant aux jeunes spectateurs. Extraits.

Spectateurs à part entière

La mission éducative est partie prenante de la démarche artistique en danse jeune public. Permettre à l’enfant de voir un spectacle professionnel contemporain en salle, dans de bonnes conditions techniques, et lui donner la chance d’expérimenter dans son corps la danse, c’est lui permettre de vivre une expérience complète, riche, significative.

Au centre de la création jeune public, il y a d’abord l’enfant, cet enfant que je considère comme un petit citoyen à part entière. On entend souvent que les spectacles jeunesse forment le spectateur de demain, c’est bien vrai, mais pour moi, il est d’abord et avant tout le spectateur d’aujourd’hui, un être unique qui a le droit de vivre des expériences fortes, significatives qui viendront l’enrichir, le faire vibrer, le questionner, l’émerveiller, l’ouvrir au monde.

Quand on a eu la chance de le côtoyer dans notre profession, on réalise qu’il est un spectateur exceptionnel, avide de découvertes, sans préjugés, avec une réponse kinesthésique et émotive souvent très forte. Évidemment, pour ça, il faut que le spectacle lui plaise… Sa réponse à la négative sera aussi forte, sans filtre, sans concession. Il est vrai, sa réponse est directe.

Nicolas Labelle, Olivier Rousseau et Jessica Serli dans Paysages de Papier d’Estelle Clareton © Stéphane Najman

Un réseau en développement

Entre les spectacles dédiés à la petite enfance et ceux dédiés à l’adolescence, les enjeux et les réalités sont bien différents. Et parce que les créateurs et diffuseurs ne fonctionnent pas tous de la même manière, il est nécessaire de créer des réseaux tissés serrés.

Ce qui nous distingue au Québec, ce sont sans aucun doute nos structures solides, nos alliances, nos réseaux nombreux et le soutien financier reçu par les différents conseils des arts. Autre facteur important dans notre développement, le théâtre destiné à l’enfance et à la jeunesse s’est construit d’une façon remarquable depuis 40 ans. Nous bénéficions de ce travail de défrichage, de bâtisseurs.

Plusieurs actions concertées réunissant toutes les disciplines ont par ailleurs été menées ces dernières années, dont un comité Relations producteurs/diffuseurs, un comité Valorisation des arts vivants destinés aux jeunes publics et un comité Médiation culturelle.

Au Québec

Progressivement, des diffuseurs spécialisés en théâtre dont les programmations sont entièrement dédiées à l’enfance (la Maison Théâtre, L’Arrière Scène et Les Gros becs) ouvrent leur porte à la danse. De même, des diffuseurs spécialisés en danse incluent une ou deux œuvres jeunesse dans leur programmation: Tangente et l’Agora le font depuis plusieurs années en scolaire, idem pour la Rotonde à Québec, en partenariat avec Les Gros becs.

Cependant, ce sont les programmateurs multidisciplinaires qui ont été nos principaux collaborateurs dès le début, selon mon expérience. Fort de leurs alliances déjà construites avec les milieux scolaires, ils ont d’emblée été ouverts à faire une place à des propositions artistiques en danse. Sursaut circulait déjà depuis plusieurs années sur tout le territoire québécois et canadien et l’arrivée de Bouge de là, du Fils d’Adrien danse, de Cas public et de PPS Danse a permis de diversifier l’offre de spectacles. D’une certaine façon, un nouveau milieu, celui du jeune public en danse, prenait son envol. Un créneau dans lequel s’investissent de plus en plus de créateurs: Sandy Bessette, Estelle Clareton, Ismaël Mouaraki, Roger Sinha, Ariane Voineau, Mélissa Tremblay-Bourassa, Nate Yaffe, pour ne nommer que ceux-là.

Le lien avec les écoles s’est aussi développé sur tout le territoire québécois et les écoles de danse sont certainement les premières alliées des diffuseurs. Il reste encore beaucoup de territoires à explorer, à défricher, à développer avec du soutien et des programmes ciblés. Les résidences en région, qui sont porteuses et aident le développement de la discipline, devraient être multipliées.

Olivier Rousseau dans Paysages de Papier d’Estelle Clareton © Stéphane Najman

À Montréal

Dans ce grand portrait de la diffusion, on doit évidemment parler de Montréal, grande métropole canadienne. Le réseau des maisons de la culture et des arrondissements a développé des liens exceptionnels avec ses écoles et ses citoyens. Son importante population lui permet de rejoindre un nombre imposant de spectateurs. L’appui du Conseil des arts de Montréal en tournée favorise ces rencontres. Parallèlement, la Ville de Montréal et le ministère de la Culture et des Communications subventionnent un important volet de médiation culturelle. Le ministère de l’Éducation a également développé le programme Une école montréalaise pour tous qui soutient l’accès aux arts aux enfants de milieux défavorisés ciblés. Un modèle qui gagnerait à être implanté dans d’autres régions du Québec à mon avis.

Pour de meilleures conditions 

D’autres batailles restent à mener. À l’échelle canadienne, les compagnies québécoises ont développé des liens avec certains diffuseurs spécialisés comme le Young People Theatre de Toronto et, jadis, le Vertigo Theatre à Calgary. Les sorties restent toutefois peu nombreuses, hormis quelques exceptions chez les importants diffuseurs multidisciplinaires principalement au Nouveau-Brunswick, en Ontario et en Colombie-Britannique.

Créer des œuvres fortes qui parlent aux jeunes implique d’avoir de bonnes conditions de création et de production, des résidences de création, du temps et des conditions optimales pour rejoindre les bons spectateurs. Par ailleurs, l’aspect production est important en jeunesse: les éléments scénographiques sont souvent source d’émerveillement et doivent être soignés, d’où l’importance d’avoir du temps en salle pour la création. La jauge est aussi à prendre en considération. Chaque enfant dans la salle doit pouvoir vivre une même expérience et il est souvent nécessaire de restreindre la capacité de la salle à 300-350 sièges, voire de 60 à 100 places pour les propositions destinées aux tout petits (18 mois à 3 ans).

La danse est un art noble qui véhicule de belles valeurs et développe plusieurs aptitudes. C’est important de le faire valoir et je considère que nous en avons la responsabilité comme adultes, comme créateurs, quand on s’adresse à l’enfant.

 

* Le Forum sur la diffusion de la danse jeune public au Canada est une initiative de l’Alliance des réseaux canadiens de danse et a été présenté par La danse sur les routes du Québec lors de l’édition 2019 de Parcours danse.

 

Ginette Ferland © Victor Lamich-Diaz

Ginette Ferland a plus de 30 années d’expérience dans les milieux de la danse et du théâtre. Psycho-éducatrice, chorégraphe, interprète et enseignante durant plusieurs années, elle a notamment assuré la codirection générale de Bouge de là de 2000 à 2015 et agit désormais à titre d’agente de développement et de diffusion pour les compagnies PPS Danse et Créations Estelle Clareton. En 2014, elle était partie prenante du premier colloque dédié à la création en danse jeune public au Québec, organisé en collaboration avec Bouge de là, Cas public, PPS Danse et le Département de danse de l’UQAM.

Assurances collectives: une offre conçue exclusivement pour le milieu culturel

Trop peu d’artistes et de travailleurs culturels ont la chance de bénéficier d’une couverture sociale. Depuis plusieurs années, le RQD travaille fort pour permettre à ses organismes membres d’offrir à leurs employés une assurance collective: un élément attractif à l’embauche, qui peut aussi jouer en faveur de la rétention de personnel. Concoctée en collaboration avec le Conseil de la Culture des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches, la couverture de base proposée comprend une assurance voyage, une assurance vie/salaire, la prise en charge de soins dentaires et permet notamment d’économiser sur les consultations en ostéopathie, physiologie, kinésithérapie, psychologie et même en massothérapie. Peuvent s’ajouter à cela d’autres services comme un régime de retraite et un accompagnement en ressources humaines. N’hésitez pas à contacter Sage Assurances et rentes collectives pour plus de détails ou pour demander une soumission.

Le CCOV lance une revue critique sur la danse

L’avez-vous passer? Le Centre de Création O Vertigo a publié un premier fanzine bilingue, Les corps du texte / Bodies of Text, pour stimuler la pensée critique sur la danse! En plus d’essais rédigés dans le cadre de son Programme des auteurs en résidence, y figurent plusieurs Échos du milieu écrits par des membres du Regroupement québécois de la danse sur les enjeux d’inclusion, de genre et d’accessibilité. On aime le concept, on aime les propos et on aime le style. Passez aux bureaux du RQD pour chercher votre exemplaire gratuit!

Avec une préface de Andrew Tay et des textes de:

– Tawny Andersen

– Hanako Hoshimi-Caine

– Georges-Nicolas Tremblay

– nènè myriam konaté

– Chloé Saintesprit

– Ivanie Aubin-Malo

– Lara Kramer

– James Oscar

Cette publication a été produite par le CCOV avec le soutien du Conseil des arts de Montréal et du Regroupement québécois de la danse.

En complément:

> Retrouvez tous les Échos du milieu du RQD (avec le filtre de catégorie).

Danscussions & CO: un automne foisonnant à redécouvrir!

Quoi de mieux, à la période des Fêtes, que de rester blotti chez soi à écouter des podcasts? Les émissions de l’automne de Danscussions & CO sauront ravir vos oreilles avec un contenu riche d’entrevues et de chroniques consacrées à la danse, aux arts de la scène et à la culture! Plusieurs membres du RQD se sont succédés aux micros de Maud Mazo-Rothenbühler et Klara Garczarek pour partager leurs visions créatrices, leurs réalités et leurs enjeux.

Cet automne, l’émission bi-mensuelle a accueilli un nombre impressionnant d’artistes et de professionnel·le·s œuvrant dans la sphère culturelle et a décrypté pour vous l’actualité des arts de la scène.

Les entrevues L’Actu de la scène et Les Grandes Discussions, deux temps forts de l’émission, ont notamment donné la parole à divers acteurs culturels et aux artistes qui ont présenté des spectacles sur les scènes montréalaises. Voici un florilège des programmes sélectionnés pour vous: les chorégraphes et interprètes Nasim Lootij et Taoufiq Izzediou, Marie Mougeolle et Dana Michel, Geneviève Boulet, ou encore Clara Furey, partagent leurs actualités; Isabelle Van Grimde expose les réalités et enjeux des liens entre danse et numérique, tandis que l’équipe du Studio 303 nous plonge dans l’univers de son Cabaret Tollé.

Chaque semaine, le verbe a été à l’honneur dans le volet Politique / Faits de société, animé en alternance par David Lavoie, co-directeur général du Festival TransAmériques, et Jérôme Pruneau, directeur général de Diversité Artistique Montréal. De riches sujets sont passés au crible des deux chroniqueurs. Nous vous invitons d’ailleurs à ré-écouter le tête à tête de Jérôme et David de l’émission du 6 décembre. Au menu: diversité, institutions et vif échange autour d’enjeux qui les préoccupent.

Laissez-vous aussi charmer par des pépites culturelles – de courtes rencontres en tête-à-tête – et des pauses musicales d’artistes indépendant·e·s qui viennent ponctuer l’émission.

Vous l’avez compris, les 90 minutes culturelles de Danscussions & CO offrent des sujets aussi variés que riches. Vous pouvez d’ailleurs proposer des entrevues, communiqués et invitations pour alimenter les chroniques d’une prochaine émission, voire en faire partie. Écrivez à danscussions.co@gmail.com.

Redécouvrez l’intégralité des émissions sur Choq.ca et rendez-vous le 17 janvier 2020 pour poursuivre l’hiver de Danscussions & CO. Restez branché·e·s!

 

 

Corps à corps avec la Chine

En septembre dernier, j’ai passé 10 jours à enseigner des classes de danse contemporaine, dans deux provinces chinoises. Bien sûr, je peux vous parler de ce que j’y ai découvert comme enseignante, créatrice et artiste. Mais au-delà de ce voyage artistique, j’ai surtout vécu une expérience humaine marquante qui ne manquera pas d’enrichir ma pratique.

Clichés et préjugés, polémiques sociales et politiques, endroits mystiques et mystérieux: c’est avec un sentiment d’ambivalence que j’anticipais ce voyage. Par crainte ou par opposition au climat politique qui nous confronte, plusieurs préfèrent ne pas y mettre les pieds. J’ai fait le pari de l’ouverture. Oui, je me suis trouvée en terrain inconnu, inconfortable. J’ai été confrontée sur certaines de mes valeurs et limitée sur certains aspects de ma liberté. En contrepartie, j’ai été privilégiée de rencontrer les gens qui y vivent, d’y entendre les voix silencieuses, dans un tête-à-tête qui n’est possible que si l’on ose cette traversée.

Young artist platform, Changsha

Changsha: première escale

Étrange sentiment d’entrer dans un film de science-fiction: à Changsha, le centre commercial est le meilleur endroit où se détendre et jouer avec les enfants, dans un étage complet bâti à l’image d’un parc, alors que dehors, l’air est si chaud et si pollué que l’on ne voit le ciel que quelques jours par année.

Déambuler entre les gratte-ciels, cohabiter avec les voitures et les mobylettes, avoir désespérément envie de découper l’espace pour y trouver un filet d’air frais… Puis me sentir soulagée d’entrer dans cette grosse voiture de luxe climatisée, alors que dehors sévit le mur de chaleur. Rester fascinée par la petite statuette de Mao, drôlement posée sur le dash de la Mercedes…

Me trouver, plus souvent qu’autrement, seule femme au milieu d’une cohorte d’hommes dans les ascenseurs. Me sentir profondément étrangère, perdue dans ces espaces immenses! Dans le plus grand centre d’art où j’ai mis les pieds, aux portes camouflées dans l’architecture grandiose, enseigner dans un studio grand comme un stade de football…

Dès mon arrivée, j’ai été accueillie par trois femmes qui sont devenues mon clan et mon repère. Elles m’ont conduite et guidée, m’ont fait découvrir des légumes inconnus, des thés fleuris et des épices torrides. Elles m’ont inscrite à WeChat, la plus importante application mobile de messagerie chinoise, et se sont assurées de me présenter à l’autre professeur américain, Jeremy Nelson. Parce que c’était ma première fois en terrain chinois, elles m’ont fortement recommandé de prendre le temps de m’adapter. Elles m’ont guidée avec beaucoup de soin et de bienveillance.

Enseigner s’est avéré déstabilisant: transmettre des concepts physiques fins, sans trop savoir s’ils sont traduits avec les mots justes, est impossible. Pourtant, au final, quelque chose se dégage: il faut passer par d’autres chemins, d’autres portes et transpirer ses enseignements, au sens figuré et au sens propre. C’est en dansant ensemble que les apprentissages de poids, de peau et d’espace se partagent. Je reçois des regards qui passent entre l’enthousiasme et le questionnement, puis finalement, avec le rythme et la musique, un plaisir se dégage. J’ose le toucher, et les corps – formés davantage en technique de ballet pour les femmes et en danse traditionnelle pour les hommes –, s’avancent un peu plus dans l’espace avec fougue. Je perçois une ouverture dans les corps et les esprits. En trois jours on passe d’étranger à familier: la dernière journée, les accolades et les selfies se multiplient!

Je n’ai pas le temps de souffler que je saute dans le TGV avec mes trois comparses, remplie de la légèreté et de la fluidité de mes élèves récemment rencontrés.

Young artist platform, Changsha

Deuxième escale: Shanghai

Me voilà déjà en terrain plus connu: une ville cosmopolite où j’ai davantage de repères. Toujours gigantesque, mais d’une autre façon. Plus de verdure, moins de chaleur. Le centre commercial est cependant aussi incontournable. Les restaurants y sont exquis et la vie s’y fait sentir au plus fort.

J’enseigne dans un nouveau contexte, celui d’un festival international avec son lot de producteurs internationaux, ses vitrines et tables rondes. La Chine, Shanghai et les artistes en danse contemporaine ont soif: soif de sortir de l’ombre, d’être vus et reconnus sur les scènes du monde.

Je vogue entre moments de solitude et de grande société, entre discussions et introspections… entre cocktails et supermarchés. J’y vois toutes sortes de propositions, d’esthétiques et de contenus. Les qualités physiques des danseurs chinois sont plutôt exceptionnelles et, dans toute cette foire culturelle, j’ai pu découvrir une diversité de discours et d’envies. C’est riche de contempler ces artistes et leurs œuvres dans leur environnement et leur réalité culturelle. Dans cette culture millénaire, briser les conventions et pratiquer un art contemporain demeure d’un autre ordre de grandeur.

Je suis partie enseigner pour mieux apprendre. J’ai vécu la Chine. Mon corps a senti ses espaces, son air, il a goûté ses saveurs et ses idées. Mon clan n’a cessé de me répéter que la Chine est vaste et que chaque région a sa couleur. Elles m’ont demandé si ma visite de leur pays m’avait donné le goût d’y revenir. Bien sûr! Je resterai curieuse, au-delà des peurs et des préjugés. Et j’aspire à y rencontrer ceux qui y vivent, à découvrir ce qui se cache dans la sphère de l’intimité, à y rencontrer ceux qui préparent demain, qui rêvent et qui désirent.

Ce que mon corps a vécu, aucune image, vidéo ou bibliothèque n’aurait pu me l’offrir. Mon corps a reçu, a ressenti, il se souviendra.

https://vimeo.com/374225570

 

 © Caroline Désilet

Chorégraphe et interprète depuis 1999, formée au Toronto Dance Theater, Caroline Laurin-Beaucage enseigne depuis 2005 à l’Université Concordia, à Montréal. Elle est fondatrice de Lorganisme, dont elle assure la direction artistique depuis sa création en 2011.

Prix et récompenses 2019 en danse au Québec

Daina Ashbee: Bessie Award Révélation de l’année.

Hélène Blackburn: Prix Hommage de Rideau.

Hélène Langevin: Prix du CALQ – meilleure œuvre chorégraphique de la saison artistique pour son œuvre À travers mes yeux présentée à Montréal en 2018-2019.

Dena Davida: admise au Cercle d’excellence de l’Université du Québec et Prix Charles Biddle – volet national et international

Destins Croisés et Tentacle Tribe: Prix Envol, pour la diversité culturelle et les pratiques inclusives en danse présenté par le Conseil des arts de Montréal.

Marie-Andrée Gougeon: Prix de la danse de Montréal, catégorie Gestionnaire culture(le), présenté par Diagramme – gestion culturelle, pour ses 22 années de fidèle engagement auprès du grand projet artistique de DLD – Daniel Léveillé Danse sur la scène contemporaine montréalaise et internationale.

Paul-André Fortier: Compagnon des arts et des lettres du Québec (CALQ) et Grand Prix de la danse de Montréal, présenté par Québecor et la Ville de Montréal.

Lara Kramer: Prix Jacqueline-Lemieux du Conseil des arts du Canada.

Alexandra ‘Spicey’ Landé: Prix de la danse de Montréal, catégorie Découverte, présenté par l’Agora de la danse et Tangente pour son œuvre In-Ward présentée à Montréal en 2018-2019.

Amélie Lemay-Choquette: Prix Artiste dans la communauté du CALQ, pour son projet RURART art contemporain en milieu rural.

Le Patin Libre: Prix de la danse de Montréal, catégorie Diffusion internationale, présenté par CINARS, pour sa tournée effectuée entre le 30 novembre 2018 et le 16 juin 2019 avec deux productions, Vertical Influences et Threshold.

Brianna Lombardo: Prix de la danse de Montréal, catégorie Interprète, présenté par le Regroupement québécois de la danse et la Caisse Desjardins de la Culture.

Zab Maboungou: Compagne des arts et des lettres du Québec (CALQ).

★ Vincent-Nicolas Provencher: Prix Émergence des Grands Prix Desjardins de la culture de Lanaudière.

Jack Udashkin: Prix de la danse de Montréal, catégorie Contribution exceptionnelle, présenté par les Prix de la danse de Montréal, pour souligner sa longue carrière sous le signe d’une grande ouverture à la communauté de la danse.

 

Nous avons omis de mentionner une récompense reçue en danse au Québec? Écrivez-nous pour que nous l’ajoutions à liste!

Émission Révolution, un plus pour la danse

Pour un grand nombre de Québécois, l’actualité la plus récente de la danse, ce n’est pas le succès de la Biennale Parcours Danse, qui a rassemblé près de 500 personnes dont 150 diffuseurs d’ici et d’ailleurs virevoltant entre une soixantaine de spectacles en sélection officielle ou en off. Un évènement majeur et primordial pour le rayonnement de la création chorégraphique québécoise, resté sous le radar des médias et donc, du grand public. En revanche, plus de 1,3 million de téléspectateurs ont assisté à la finale de l’émission Révolution, diffusée dimanche soir sur les ondes de TVA. Un évènement majeur pour la valorisation et la démocratisation de la danse dans ses formes et expressions les plus diverses. Une façon particulière de célébrer l’art du mouvement et d’en servir le développement.

Dans ma lettre de novembre 2018, je pesais les pour et les contre de Révolution qui, depuis, a remporté trois Gémeaux et s’est exportée dans quatre pays. J’en ai suivi la seconde saison avec autant d’intérêt que la première, portant une attention particulière à la dizaine de membres du RQD lancés dans cette compétition dont les vainqueurs empochent 100 000$. On peut questionner certains éléments de cette émission populaire qui active avec intelligence les ressorts du succès télévisuel et, de ce fait, occulte des dimensions fondamentales de l’art chorégraphique comme la temporalité, l’abstraction ou les états de corps. Car ce qui accroche la plupart des gens, c’est d’abord et avant tout la virtuosité, la narrativité et l’émotion. Ne boudons cependant pas le plaisir de voir de nouveaux publics entrer dans la danse par la porte de cette production commerciale.

«Aimer est le grand point, qu’importe la maîtresse? Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse?», écrivait Alfred de Musset. Le fait est que Révolution nous fait aimer la danse dans sa diversité. En témoignent la multiplication des options danse dans les écoles secondaires et une nouvelle affluence dans les écoles de loisir où le contemporain et le ballet retrouvent grâce aux yeux de jeunes qui développent leur esprit critique et comprennent notamment l’importance d’acquérir une technique. En témoignent aussi les téléspectateurs curieux qui suivent leurs danseurs préférés sur les réseaux sociaux et se déplacent au théâtre pour éprouver leur art dans la présence directe et la durée. Ceux-là auront trouvé quelques outils de compréhension et d’appréciation dans les commentaires des juges de la compétition qui, cette année, ont fourni des analyses critiques plus fournies et bien vulgarisées. Il faut dire que le niveau de la compétition est monté d’un gros cran par rapport à la saison 1. Issus des mondes des danses sportives, urbaines, contemporaines et du ballet, les «maîtres» ont aussi donné à goûter une plus grande variété de styles et d’approches avec, notamment, des numéros de gigue, de voguing ou de Ballroom au féminin. Je me suis quant à moi ouverte à des pratiques et esthétiques très éloignées de mes goûts personnels, ce qui nourrit positivement mes réflexions sur la décolonisation de la danse.

À ce titre, Révolution n’opère pas de scission entre arts majeurs et arts mineurs tout en rendant très très poreuses les frontières entre art et divertissement. Elle ne différencie pas non plus professionnels et non professionnels et jette dans la même arène de très jeunes danseurs et des adultes de tous âges. En filigrane, on comprend que tout le monde peut danser s’il en a le goût et s’il s’en donne les moyens, que la danse professionnelle relève de la vocation sacrificielle, qu’il faut parfois faire des choix déchirants et que l’excellence n’est pas souvent couronnée du succès auquel on s’attendrait. Ainsi, parmi les cinq finalistes, se trouvaient: un groupe d’ados de 15 à 18 ans qui a extraordinairement mûri en l’espace d’une saison; un autodidacte de 24 ans décidé à faire de la danse son nouveau métier; un professionnel abandonné par son partenaire sur le fil d’arrivée pour cause de contrat rêvé signé à l’étranger; un duo de salsa triple champion du monde mais encore inconnu au Québec; et le duo gagnant, des professionnels de ballet contemporain qui ont illustré, dans l’une de leurs chorégraphies, la dureté des exils à endurer tout au long d’une carrière.

Une des grandes qualités de Révolution, c’est qu’elle met en vedette des artistes auxquels les médias s’intéressent généralement peu, que cette visibilité facilite le parcours professionnel de plusieurs participants et qu’ils semblent bien appuyés par la production tout au long des épreuves de la compétition. De plus, le monde de la danse étant plus particulièrement multiculturel, l’émission valorise une diversité d’immigrants de première ou de deuxième génération aux yeux d’un Québec qui tend parfois vers le repli identitaire. Dans le paysage télévisuel actuel, c’est une révolution en soi.

Fabienne Cabado
Directrice générale du Regroupement québécois de la danse

Diffusion internationale: changements concernant les visas étrangers

Que vous soyez un diffuseur qui accueille des artistes étrangers ou une compagnie qui prévoit une tournée aux États-Unis, épargnez-vous des sueurs froides quant à l’obtention de visas! CAPACOA a recensé cet automne plusieurs informations fort pertinentes pour vous permettre de bien vous renseigner et vous préparer à l’avance.

Pour éviter les problèmes liés à l’obtention du visa de visiteur, les diffuseurs sont encouragés à s’inscrire auprès de l’Unité des événements spéciaux d’Immigration, Refugiés et Citoyenneté Canada, un guichet unique de renseignements sur les exigences du Canada en matière de visa et d’entrée.

De plus, les processus d’obtention de visas d’entrée aux États-Unis ont récemment changé. Pour ne pas avoir de mauvaise surprise, CAPACOA conseille aux artistes et compagnies qui y planifient des représentations de prendre connaissance bien en amont de la tournée de ces informations du site Web Artists from Abroad (en anglais seulement):

Vous l’aurez compris, bien se préparer à l’avance est la clé du bon déroulement des évènements. N’hésitez pas à récolter un maximum d’informations et à poser vos questions à des ressources spécialisées. Et que les spectacles de danse continuent de rayonner sur nos scènes et ailleurs!

Décolonisation de la danse: retour sur l’atelier du RDV annuel des membres

C’est sous la forme d’un cercle de parole réunissant plus d’une trentaine de membres que le Regroupement québécois de la danse (RQD) a ouvert une importante discussion sur l’art chorégraphique au RDV annuel des membres. En résonance avec la mission du RQD récemment reformulée, dans laquelle le concept rassembleur d’«art chorégraphique» a remplacé celui de «danse de création, de recherche et de répertoire», la réflexion s’est ouverte sur ces questions: comment définir l’art chorégraphique en 2019? Comment élargir la vision occidentalocentriste qui le fonde pour faire tomber les barrières systémiques qui nuisent encore au plein déploiement de nombreux professionnels de la danse? Échanges de visions et de perceptions, parfois complémentaires, parfois contrastées, ont permis d’entamer dans le plus grand respect un dialogue nécessaire et encore à poursuivre.

Qu’est-ce que la décolonisation?

Si l’on se réfère au lexique commenté Comprendre les enjeux de l’inclusion en danse, il y a, dans l’esprit de décolonisation de la danse, la volonté de questionner le cadre idéologique qui classe notamment les pratiques entre arts mineurs et arts majeurs et entrave la reconnaissance de productions artistiques s’inscrivant dans des traditions autres qu’européennes ou états-uniennes. De fait, dans l’histoire des arts, un processus de marginalisation de formes artistiques a été mis en œuvre par un certain discours esthétique légitimant des normes étalons qui positionnent les arts de création comme intrinsèquement occidentaux, réduisant les productions non occidentales au pittoresque et à l’exotique. Ces normes ont créé une ligne d’inclusion et d’exclusion que le mouvement de décolonisation des arts tente aujourd’hui de déconstruire. Les concepts de «recherche, création et répertoire» faisant implicitement référence à la danse contemporaine et au ballet, de nombreux professionnels de la danse ne s’y reconnaissent pas.

Atelier du RDV annuel des membres du RQD 2019 © Camille Pilawa – RQD

La décolonisation: comment, pour qui et par qui?

Les artistes et travailleurs culturels participant au cercle ont entamé la réflexion en posant de nombreuses questions. En quoi le terme «art chorégraphique» est-il plus inclusif que le mot «danse» tout court? L’art chorégraphique est-il figé, a-t-il des frontières? Est-il, par essence, institutionnel et réservé à une certaine élite, à quelques privilégiés? Quel est le rôle de chacun, individuel et collectif, ainsi que celui du public, pour élargir les consciences et orienter les pratiques dans des directions nouvelles?

À la question posée par une membre du RQD, «Qui propose de décoloniser le terme d’art chorégraphique et pour servir qui?», on a répondu que les communautés sous représentées appelaient cette conversation pour rendre les organismes plus inclusifs et élargir l’accès aux fonds publics. On a parlé de la colère engendrée par la perpétuation d’un système de valeurs colonialiste dont les manifestations teintent encore les pratiques. On a plaidé pour un processus de renversement progressif des positions marginales et des pratiques artistiques des peuples colonisés, des Autochtones, des personnes racisées et on a rappelé la nécessité de laisser ces différents groupes définir par eux-mêmes ce qu’est l’art chorégraphique. On a aussi souligné au passage le besoin d’inclure dans cette conversation d’autres personnes que les convertis venus participer au cercle.

Dans la mise en perspective des notions de réconciliation et de décolonisation, on a insisté sur le fait que cette dernière devrait être pensée et opérée à tous les niveaux: de la formation au discours sur l’histoire de la danse au Québec et au Canada, en passant par la définition de professionnalisme, l’accueil des artistes immigrants dans le paysage chorégraphique, etc.

On s’est aussi demandé comment aider les institutions à se transformer et donner plus de place à ceux et celles qui en manquent au sein de l’écosystème complexe de la danse. On s’est en outre questionné sur la ligne entre art et divertissement, sur la fonction des différentes pratiques artistiques dans la société et sur la possibilité de les considérer sur un pied d’égalité; sur le danger de créer de nouveaux silos en établissant de nouveaux canons, ou encore, sur le besoin de questionner les hiérarchies établies au sein même des compagnies et des processus de création.

Des identités singulières et plurielles

La richesse des échanges a fait également ressortir la multiplicité des héritages culturels ou esthétiques, l’importance des racines et des apprentissages que nul ne peut renier et le manque de clés de compréhension pour apprécier pleinement les productions des artistes qui viennent d’ailleurs. Pour plusieurs, la décolonisation de l’art chorégraphique se situe dans la rencontre et la reconnaissance des identités, singulières et plurielles. Cette rencontre invite à avoir de l’humilité dans les approches, à donner la parole, de l’espace, des ressources et de la visibilité. Et pour favoriser cette rencontre, chaque cercle de parole proposé cette année s’appuie sur le témoignage du vécu et de la démarche d’artistes ciblés. Ce lundi 2 décembre, le petit groupe de personnes réunies autour du chorégraphe-interprète Ismaël Mouaraki a donné lieu à des échanges extrêmement touchants et percutants. On dévoilera bientôt qui sera l’invité du cercle de parole du 3 février 2020, qui se tiendra aussi dans le café du MAI. Inscrivez déjà cette date dans votre agenda. Nous avons tous à y gagner.

 

Retour sur la table ronde «Danse contemporaine et traditions»

Quelles relations les formes de danses actuelles et contemporaines entretiennent-elles avec le passé et les traditions? Comment les chorégraphes d’aujourd’hui s’inspirent de formes traditionnelles, les intègrent, les respectent, les actualisent et les renouvellent? Barbara Kaneratonni Diabo, Zab Maboungou (Compagnie Danse Nyata Nyata) et Mario Boucher (Zeugma, Collectif de folklore urbain) dialoguent autour de leurs diverses approches de la danse, respectivement teintées d’influences autochtone, africaine et de gigue québécoise. Une rencontre fort intéressante organisée par le Festival Quartiers Danses début septembre et animée par la chorégraphe et chercheuse en histoire de la danse au Québec, Josiane Fortin.

 

Définir les termes
Josiane Fortin amorce la discussion en proposant de cerner les notions de danse traditionnelle et de danse contemporaine à partir d’écrits de David Le Breton (1998), Yves Guilcher (2003) et Philippe Le Moal (2008). Sans viser le consensus ou l’exhaustivité, les définitions qu’elle propose ouvrent au dialogue sur des réalités complexes et peut-être pas si distinctes.

Ayant fréquemment une fonction spirituelle, religieuse, récréative ou communautaire, la danse traditionnelle peut être comprise comme une danse populaire régionale qui fait partie de la vie quotidienne et sociale. Généralement pratiquée dans des lieux de vie par les membres d’une communauté, elle est habituellement transmise de génération en génération  et reflète souvent la vie quotidienne, les relations sociales ou les croyances d’un groupe.

La danse contemporaine peut référer à une danse actuelle, propre au temps présent, ou désigner un genre de danse apparu au 20e siècle dans les prolongements de la danse moderne et postmoderne. La danse contemporaine dialogue souvent avec différentes disciplines artistiques et mélange librement plusieurs techniques ou pratiques. Correspondant souvent à une danse d’auteur réalisée à partir de l’individualité d’artistes et fréquemment envisagée comme un acte esthétique destiné à un public, elle intègre et interroge des enjeux de la période contemporaine et tend à déjouer les codes sociaux, à les déconstruire, en questionnant notamment les identités et les genres.

 

Sortir du cadre
L’interprète et chorégraphe Barbara Kaneratonni Diabo navigue entre la danse traditionnelle et la danse contemporaine et trouve curieux de les séparer. Certains symboles, les plumes par exemple, sont interprétés comme exclusivement traditionnels. Or, les danses autochtones sont créées en réponse à l’environnement, qui lui ne change pas au rythme des humains. Pourquoi les oiseaux et leurs plumes feraient-ils partie du passé? Le mot «contemporain» pourrait même être attribué à certaines danses pow-wow, dont plusieurs ont moins de cent ans.

 «My Urban Nature» de Barbara Kaneratonni Diabo © Romain Lorraine

Zab Maboungou semble quant à elle davantage préoccupée par le système d’évaluation rattaché à cette catégorisation. Elle pose la question de la modernité, qui appelle à la réflexion, car certains la situent au Moyen Âge, d’autres à la Renaissance. Nous sommes dans le «Nouveau» Monde, ce qui stipule qu’il y en a un Ancien. La chorégraphe nous invite à réfléchir sur la notion de temps. Pour Descartes, ses contemporains étaient les Anciens, car ils étaient ceux qui avaient traversé le plus d’années du point de vue historique. Elle cite un article concernant un spectacle de Barbara Kaneratonni Diabo dont le titre est Pow-wow contemporain: «Il semble que la contemporanéité se trouve là revisitée. La tradition, tout comme ce que l’on nomme contemporain, se définit dans son rapport au temps: ancestralité, activité patrimoniale, ou de répertoire… et elle se définit aussi comme un continuum qui enveloppe notre relation au monde.»

 «Mozongi» de Zab Maboungou/Compagnie Danse Nyata Nyata © Kevin Calixte

Mario Boucher rappelle que le «traditionnel» d’aujourd’hui a été le contemporain d’hier. «Nous perpétuons l’héritage de Conrad Gauthier qui organisait dans les années 1920 les veillées du bon vieux temps pour célébrer le passé.»

Présent dans la salle, l’interprète et enseignant Pierre Chartrand interpelle les invités sur la notion de folklore, dont il fait remarquer qu’une connotation passéiste du terme remonte au Petit Robert de 1968: «1.“Science des traditions, des usages et de l’art populaires d’un pays, d’une région, d’un groupe humain; ensemble de ses traditions. 2. Aspect pittoresque, mais sans importance ou sans signification profonde”.» Il invite à distinguer les pratiques scéniques des groupes folkloriques des années 60-70 des pratiques vivantes du patrimoine immatériel répertoriées par l’UNESCO.

 

Une pratique artistique métissée
Quels liens les artistes et compagnies invitées entretiennent-elles avec les danses traditionnelles? De quelle manière les intègrent-elles à leur processus créatif? Les panélistes expliquent leurs démarches.

Zeugma ne considère faire ni de la danse traditionnelle ni de la danse contemporaine. Le nom de la compagnie résume cette position: un «zeugme», est une figure de style qui consiste à faire dépendre d’un même mot deux termes qui entretiennent avec lui des rapports différents. La compagnie utilise la gigue comme matériau de base de ses créations. Elle en explore des éléments caractéristiques comme la création de phrasés rythmiques audibles, tout en intégrant d’autres approches comme la mobilisation de l’ensemble du corps ou des mouvements et des thématiques contemporaines.

Zeugma, Collectif de folklore urbain © Jackie Hopfinger

Barbara Kaneratoni Diabo a commencé par le ballet, le break ou les danses sociales avant de se tourner vers la danse traditionnelle à l’âge adulte. Ce qui est important pour elle, aujourd’hui, ce sont les thèmes et les perspectives qu’elle donne à ses œuvres. À travers les danses traditionnelles, elle perpétue les histoires et le vécu des peuples à l’origine de ces danses, pour ne pas les oublier. Mais parfois, les autres formes de danse lui permettent de mieux faire passer son message. Quand elle danse, son corps mobilise l’ensemble de ces connaissances.

Zab Maboungou se sent engagée dans les temps dans lesquels elle vit. Le travail créatif en danse implique une éthique, d’assumer la responsabilité d’être dans le monde. Comment le corps, porté par l’actualité, saisit-il cette responsabilité? Elle travaille avec des matériaux, une technicité, une métaphysique, les rythmes. Sa connaissance des formes traditionnelles africaines se nourrit d’un apprentissage rigoureux des pas et des rythmes. Ces traditions sont aussi porteuses d’approches didactiques différentes, intégrées dans des événements qui entourent le collectif et basées sur l’oralité qui revient aujourd’hui en force face aux limites du numérique. Le regard posé sur les traditions renouvelle ainsi la création contemporaine.

 

Le regard des autres
Pour conclure, Josianne Fortin invite les panélistes à partager leur ressenti sur le regard extérieur porté par les diffuseurs, le public, les subventionneurs.

Barbara Kaneratoni Diabo sent encore une forte hiérarchie entre la «danse des peuples» et les formes d’expression reconnues et légitimées par les centres d’art. Une expérience au Banff Centre a, encore aujourd’hui, plus de poids dans un CV qu’une performance réalisée lors du plus grand pow-wow contemporain, le «Gathering of Nations». Mario Boucher rappelle que le premier spectacle de Zeugma avait déstabilisé les conseils des arts avec une production entre danse et musique, ou encore qu’il y a 30 ans, les gigueurs pouvaient difficilement faire partie du Regroupement québécois de la danse, car ils n’avaient pas de formation institutionnelle. Pour Zab Maboungou, le problème vient des critères pour définir ce qu’est un artiste et comment l’art évolue au sein d’une société donnée. Cette question peut être une source de tensions entre les artistes et les institutions, tensions qui relèvent souvent d’une discrimination systémique et inconsciente.

Chacun souligne aussi l’évolution des mentalités ces dernières années. De 1800 à 1950, la Loi sur les Indiens interdisait les danses autochtones. Aujourd’hui, la perception des danses traditionnelles est moins une question de discrimination que d’ignorance. Zab Maboungou invite au dialogue: les artistes ont un pouvoir, une force que leurs œuvres doivent faire connaître. En les présentant aux subventionneurs, ils interpellent, questionnent et ouvrent le regard des comités et des agents sur la diversité des productions artistiques. Les institutions doivent être attentives à ces propositions, former les agents et constituer des jurys diversifiés. Barbara Kaneratoni Diabo et Zab Maboungou insistent sur l’importance de l’éducation et de la compréhension mutuelle pour dépasser ces clivages.

Une riche rencontre qui aura permis de voir comment formes traditionnelles et contemporaines peuvent se côtoyer et s’enrichir les unes les autres, sans opposition ni hiérarchie.