Est-ce parce qu’elle est la plus touchée par la précarité? C’est une jeune génération résiliente et engagée qui a participé au dernier 5 à 7 du Regroupement québécois de la danse. Artistes émergents et à mi-carrière se sont emparés du micro pour partager avec les personnes présentes leurs questionnements, inquiétudes, conseils pratiques et pistes d’actions potentielles.
En route vers les élections
Une quarantaine de personnes, dont quelques-unes en visioconférence depuis la Maison pour la danse de Québec, se sont rassemblées au café-bar de l’Espace orange du WILDER le jeudi 12 avril 2018 pour échanger sur la précarité en danse et réfléchir aux manières de se mobiliser individuellement et collectivement pour de meilleures conditions de pratique et de travail. La rencontre à saveur politique a permis au RQD d’informer ses membres sur les actions qu’il mène notamment au sein de la Coalition La culture, le cœur du Québec (CCCQ), de sonder les professionnels de la danse sur leurs réalités et leurs enjeux, et de nourrir le feu de la mobilisation en vue des prochaines élections provinciales.
Après avoir dressé un rapide portrait de la situation, le coprésident Lük Fleury a rappelé que malgré l’augmentation du financement du ministère de la Culture et des Communications (MCCQ) au Budget provincial 2018, l’avenir de la danse est loin d’être assuré. Encore trop souvent dans l’angle mort des médias, des politiciens et même du grand public, l’art chorégraphique reste l’enfant pauvre des arts et voit son développement limité. Le ton était donné. Les membres ont saisi la balle au bond.
Composer avec les orientations politiques
Certains artistes ont pointé la difficulté de faire comprendre et reconnaître les nouveaux modèles organisationnels auprès des subventionneurs et des jurys de pairs, signalant notamment des problèmes très concrets comme la limitation du nombre de mots pour les demandes de subvention ou encore, l’inconvénient d’être évalué au mérite artistique pour un organisme atypique rassemblant plusieurs créateurs aux signatures distinctes. D’autres participants se sont montrés inquiets des orientations politiques privilégiant le virage numérique au détriment de la recherche artistique et de la réponse à des besoins criants.
La notoriété ne paye pas le loyer
Des artistes ont saisi l'occasion pour dénoncer le tabou du «travail invisible»: toutes ces heures non rémunérées, sacrifiées au nom de l’art et de la passion au préjudice de la santé mentale et physique. Artistes, pigistes comme salariés, consacrent un nombre impressionnant d’heures non payées (ou si peu) à la coordination de projets et à la gestion des budgets, échéanciers, transports, locations, horaires, conseils d’administration, etc. Trop souvent, l’artiste-entrepreneur se rémunère en dernier lieu, après avoir tenu les comptes et payé ses fournisseurs et collaborateurs. De la même manière, le travailleur culturel aligne les heures bénévoles pour soutenir le développement et le rayonnement artistiques. Certains voudraient nommer ce travail invisible dans leurs demandes et rapports de subventions. C'est ce que le chorégraphe québécois Brice Noeser a décidé d'exprimer haut et fort dans la foulée de l'évènement.
La mobilisation continue
Quelques pistes d’actions potentielles, que le RQD garde en tête pour la suite des choses, ont été partagées dans un esprit collégial et solidaire. À la veille du dépôt du plan d’action de la politique culturelle du Québec, des vœux ont encore été soufflés: que la recherche fondamentale en danse bénéficie de plus de temps, plus de souplesse; que les chorégraphes et producteurs n’aient pas à justifier d’avance les retombées de leurs recherches artistiques; que la fréquentation des arts de la scène devienne obligatoire pour le jeune public, et pas seulement dans les services de garde comme le prévoit le Budget provincial 2018.
Est-ce que ce plan d’action sera à la hauteur de ces attentes? Est-ce qu’il prendra en considération les suggestions que le RQD a formulées à plusieurs occasions au MCCQ? L’avenir très proche nous le dira. Le RQD et le Conseil québécois du théâtre (CQT) éplucheront le document dès sa sortie, prévue en mai, et vous donnent rendez-vous pour un 5 à 7 au QG du FTA, le 5 juin prochain, afin de faire le point sur la nouvelle politique culturelle du Québec. Une parfaite occasion pour rester bien informé et se préparer à d’éventuelles actions. Restons mobilisés!