Un jour à la fois par Charo Foo Tai Wei
par Charo Foo Tai WeiÉCHOS DU MILIEU | En l’honneur du Mois du patrimoine asiatique, Charo Foo Tai Wei, chorégraphe et interprète, partage son parcours inspirant depuis Singapour jusqu’à sa vie actuelle au Québec.
À Singapour, au milieu des années 90, j’achetais des forfaits pour des festivals de danse afin d’assister à différents types de spectacles de danse internationaux. Après chaque spectacle, je restais pour discuter avec les artistes. Leur parcours artistique m’inspirait et m’encourageait en tant que danseuse. Je me suis dit qu’un jour, je voudrais monter sur une scène internationale.
En 2005, je suis arrivée au Québec avec très peu de connaissances en français. J’ai commencé à m’intégrer dans un nouveau pays et une nouvelle culture avec un esprit ouvert et de la curiosité. J’ai passé une audition à l’École de danse de Québec et j’ai été acceptée. Je n’oublierai jamais ce sentiment d’excitation et de joie de faire partie de l’école.
Pour payer mes frais de scolarité et mon loyer, j’ai commencé à travailler comme artiste de rue en exécutant des danses classiques chinoises dans le vieux Québec. Cela m’a permis de découvrir la scène des arts de la rue et d’entrer en contact avec les festivals de la région.
Cet automne-là, j’ai eu l’occasion de participer à des événements culturels et à des festivals d’art au Québec. Cela m’a aidé à prendre confiance en moi dans un nouvel environnement. J’étais constamment en train d’essayer et d’explorer différentes opportunités de performance pour me sentir à ma place dans cette nouvelle ville où je venais d’atterrir.
Il m’a fallu presque deux ans pour me sentir à l’aise.
Les projets scolaires ne se sont pas déroulés comme je l’avais prévu. À cause d’une blessure, j’ai dû arrêter l’école pendant un an. À ce moment-là, je me suis sentie dévastée et perdue, mais je ne voulais pas abandonner et retourner à Singapour. Ma voix intérieure était déterminée à continuer à danser et c’est tout ce à quoi je pouvais penser. J’ai continué à travailler comme artiste de rue, car c’était le seul travail légal que je pouvais faire à l’époque.
J’ai passé une audition de théâtre lors de ma deuxième année à Québec. Je me souviens que l’audition avait lieu le matin et que j’ai reçu un appel en fin de journée. Cet appel a changé ma vie. En moins d’un an, j’ai commencé à faire des tournées internationales avec la compagnie pour les 7 années suivantes.
J’ai appris et évolué avec cette compagnie, ExMachina. J’ai eu l’occasion de tourner, de jouer et de danser aux côtés du metteur en scène Robert Lepage et de l’actrice Marie Michaud dans la production « Le Dragon Bleu ».
Après la fin de la tournée, j’ai commencé à donner des ateliers de danse classique chinoise aux écoles et aux adultes.
En 2015, j’ai découvert le Butoh. Cette pratique a complètement changé ma vision de la danse et de l’environnement. Mon corps s’est senti accueilli avec joie par ces enseignements. Les mouvements organiques, l’écoute de notre voix intérieure, le travail avec notre ADN, tous ces enseignements que je ne pouvais pas obtenir ailleurs.
Je garde ces pratiques de Butoh bien vivantes avec moi chaque jour, comme un rituel. Cela m’a vraiment ouvert l’horizon et la connexion avec mes ancêtres.
Depuis lors, je crée ma propre langue chorégraphique en entrelaçant la danse classique chinoise et le butoh. Je me sens éclairée par cette forme d’art mixte, à la fois traditionnel et avant-garde.
J’ai commencé à créer mes courtes pièces de danse en 2017 « Lù », en 2018 « The Beauty Song » qui ont été présentées dans la petite scène organisée par Caroline Simonis et Jean-François Duke (QC) et le Festival Accès Asie (Mtl). En 2019, j’ai été sélectionnée par le CanAsian Dance Festival pour créer une pièce qui rend hommage à ma tante chamane taoïste, « The Golden Stick Ritual». Elle a été diffusée sur le web en janvier 2021 par Tangente en collaboration avec le Festival Accès Asie. En 2022, ma pièce du Butoh « Shù » a été présentée pour le 25ᵉ anniversaire du CanAsian Dance Festival.
En 2023, j’ai créé un nouveau solo intitulé » Yearning « . Une pièce qui parle de mon traumatisme personnel en tant qu’immigrante et de la façon dont je m’efforce de trouver la lumière dans ce monde chaotique.
J’ai quitté mon pays à la recherche d’une nouvelle vie sans savoir ce qui m’attend : c’est déstabilisant et stimulant. Aujourd’hui, je suis encore en train de tracer mon chemin vers l’inconnu. Je crois qu’avec de la résilience, de la persévérance et de la détermination, il y a de l’espoir pour tout.
La danse a toujours été mon refuge et un ‘safe space’ pour moi. C’est le seul endroit où je me sens chez moi.