Une table ronde du RQD pour célébrer le Mois de l’histoire des Noirs
Le 25 février dernier, le Regroupement québécois de la danse (RQD) tenait une table ronde sur le thème Honorer le passé, inspirer le futur. Trois artistes en danse originaires d’Haïti et résidant au Québec, Cindy Belotte, Shérane Figaro et Mecdy Jean-Pierre, sont venus partager leur approche et leur expérience lors de cet événement soulignant le Mois de l’histoire des Noirs. Nourris par des parcours variés mais mettant un même point d’honneur à porter leurs racines et à les transmettre, ils ont fait valoir d’une voix commune l’importance d’éveiller les consciences sur ce que nous appelons «l’inclusion». Avec une cinquantaine de participants, ce premier événement de vie associative du RQD de 2022 a été sans conteste un beau succès!
La danse comme reflet d’une parole intime ou engagée
Pour ces trois artistes, la danse est un puissant moyen de communication et d’expression. D’un point de vue personnel, elle porte des vertus thérapeutiques en permettant d’exprimer tout une palette d’émotions, tel que le partage Cindy Belotte, ou encore un vécu familial, comme c’est le cas pour Mecdy Jean-Pierre. L’artiste, qui en use aussi pour traduire ce qu’il vit dans la société, rappelle que dans la culture hip hop, marquée par beaucoup de ségrégation et de racisme, les danseurs expriment qui ils sont par la danse, qui elle-même est représentative de leur environnement. La danse permet donc aussi indéniablement une prise de position à plus grande échelle et peut devenir un acte engagé.
«La danse est une façon pour moi de prendre la parole et de participer aux grandes conversations qui ont lieu dans notre société.» Shérane Figaro
À la base, la tradition
Rappeler qui étaient ces peuples qui ont fait l’Histoire des Noirs, ce qu’ils ont apporté; les comprendre et les honorer. Ce sont là des valeurs qui animent les trois artistes. Cindy Belotte évoque une image très parlante: celle de «re-membrer» (remember en anglais);
«Partir d’éléments qui ont existé, les ancrer dans notre présent et leur permettre de vivre à travers nous et vers le futur.» Cindy Belotte
Si les trois panélistes ont connu des parcours différents, chacun s’est intéressé à un moment donné à la danse traditionnelle haïtienne. Shérane Figaro l’a apprise en Haïti puis a ensuite exploré d’autres styles de danse en venant s’installer en Amérique du Nord, tandis que Cindy Belotte a tout appris de cette tradition au Québec. Les deux femmes racontent que l’approche de la danse est très différente en Haïti: elle célèbre des événements de la vie quotidienne et n’a aucune vocation de divertissement. Elle est aussi très normée, très codée. Il y a des pas à observer, apprendre et répéter.
L’histoire de Mecdy est un peu différente. En découvrant des artistes Noirs à la télévision, il a développé un intérêt pour la danse et commencé à s’adonner à la danse de rue. Ce n’est qu’un peu plus tard dans son parcours qu’il est allé en Haïti à la rencontre des rythmes et de la gestuelle de ses racines. Aujourd’hui, il «porte [son] passé chaque jour» et affirme:
«Un arbre ne [produira] jamais des fruits ou une fleur s’il n’est pas enraciné.» Mecdy Jean-Pierre
Un désir intrinsèque de transmission
Shérane, Mecdy et Cindy sont enseignants, ainsi la transmission est nécessairement ancrée dans leurs pratiques. Ils se sentent un devoir, une responsabilité d’être conscients de leur passé, de le comprendre, le faire connaître et de transmettre cette histoire. Tout cela en pensant au futur.
Shérane et Cindy, plus que de transmettre leur propre héritage culturel, tâchent de faire émerger celui de chaque personne avec qui elles travaillent, pour aboutir à un point de liaison, un lieu commun pour pouvoir créer et parler de sujets universels. Trouver une manière de se comprendre, de faire sens, même en venant de traditions différentes. Mecdy observe quant à lui que beaucoup de mouvements aujourd’hui dans la danse de rue sont similaires à des mouvements qu’il a vus dans des cercles en Haïti.
Quelle que soit la portion d’héritage que nous choisissons d’inclure dans notre vie et les aspects qu’elle revêt, nous sommes tous porteurs d’histoires.
Favoriser l’inclusion en ne catégorisant plus
Les trois panélistes formulent le souhait qu’un jour il n’y ait plus besoin de parler de Mois de l’histoire des Noirs ou encore de développer des programmes spéciaux pour que des minorités aient davantage accès à du financement ou de l’emploi. De leur point de vue, favoriser l’inclusion et la participation de tout le monde c’est arrêter d’identifier des catégories ou des groupes.
«On partage les mêmes codes en étant danseurs. Je suis danseuse, point.» Cindy Belotte
L’artiste remarque tout de même un changement d’attitude: les personnes qui ne connaissent pas sa culture l’abordent avec davantage d’ouverture; progressivement, l’effet de catégorisation tend aussi à diminuer.
Le RQD a pris note de ces commentaires et œuvrera dans ce sens, en invitant toutes communautés à postuler à ses offres d’emploi au lieu d’indiquer que les minorités sont invitées à postuler et en indiquant qu’elles seront toutes traitées avec une importance égale.
Une grande variété d’autres sujets vous seront proposés dans les mois à venir. Restez à l’affût!
Mentions photographiques: 1. Mecdy Jean-Pierre © Inconnu | 2. Shérane Figaro © Shérane Figaro | 3. Cindy Belotte © Claudia Chan Tak | 4. Cherylle Abessolo © Cherylle Abessolo