Gloire aux lutins de la culture
Croire au Père Noël, c’est croire en l’immanence de la bonté, intégrer l’idée que tous les enfants naissent égaux en droits et développer la conscience sociale du nécessaire partage avec les plus démunis. En plus de stimuler l’imaginaire qui permettra plus tard de trouver des solutions inédites face aux aléas, ce mythe cultive la patience et nourrit l’espoir en la vie: quoiqu’il arrive, viendra toujours un temps où l’on aura accès à quelque chose de bon pour soi. L’idée s’ancre à tel point dans l’inconscient collectif que Noël parvient parfois à s’imposer comme une trêve jusque dans les conflits armés. Mais s’il devient rituel dans la période des Fêtes avec opérations de solidarité généralisées, rencontres et présents offerts aux êtres chers, l’esprit du don et du partage est la sève sans laquelle le milieu des arts, et plus particulièrement, celui de la danse, ne pourrait pas survivre.
Lutins sacrificiels
Tout au long de l’année, les artistes et autres travailleurs de la culture s’échinent sans compter pour que des œuvres adviennent et pour que le plus de citoyens possible aient accès à l’art d’une manière ou d’une autre. Les enseignants multiplient les heures non rémunérées pour faire entrer la médiation culturelle dans leurs établissements et les propriétaires d’écoles de loisirs tirent tous le diable par la queue. Tandis que la croyance populaire conçoit la vie d’artiste comme un Éden où se conjuguent plaisir, bombance et insouciance, nombre de chorégraphes cumulent les casquettes de créateur, de gestionnaire, de communicateur et d’agent de développement, et bien des interprètes en danse, en plus de veiller à entretenir leur outil de travail entre deux contrats, enseignent ou occupent d’autres emplois à temps partiel pour dépasser le seuil de la pauvreté. Même réalité pour plusieurs collaborateurs artistiques. Quant aux travailleurs culturels de tous ordres, ils donnent pour beaucoup de leur temps et expertise en siégeant au conseil d’administration d’un ou de plusieurs organismes, les cadres étirant leurs 35 heures jusqu’à les doubler pour mener à bien leur mission.
Résultat: les acteurs de la danse et autres milieux culturels développent une polyvalence, une capacité de travail et une créativité que le secteur privé encense et pourrait même envier. Sans compter que leur contribution au PIB est plus élevée que celle de plusieurs autres secteurs économiques. Malgré cela et malgré le fait qu’ils regroupent un grand nombre de travailleurs autonomes, statut au cœur des enjeux pour la main d’œuvre de demain, ils restent dans l’angle mort des décideurs et comptent parmi les grands absents des réflexions politiques sur le développement de la main-d’œuvre. Des nouvelles à venir sur le sujet et sur les actions à mener dans les Québec Danse Hebdos de 2017.
Le repos des lutins
Pour l’heure, restons-en à un beau chant de Noël pour rendre grâce à tous ceux et celles – professionnels de la danse, administrateurs et autres bénévoles, mécènes et autres bailleurs de fonds et aussi, spectateurs – qui donnent en temps, en présence, en commandites ou en espèces sonnantes et trébuchantes pour que la danse soit, pour qu’elle vive et qu’elle vibre à la mesure du talent de ses artistes.
Pour toutes ces personnes que j’ai qualifiées de lutins parce qu’elles travaillent d’arrache-pied pour offrir, tout au long de l’année, le cadeau précieux des arts et de la culture à l’ensemble de la société, Noël s’annonce comme une pause obligée et bienfaisante. Une période de repos hautement mérité et de ressourcement, que je vous souhaite à tous et à toutes pleine de joie, d’amour, de temps de vivre et, pourquoi pas, de farniente. Car faire le vide, c’est aussi faire le plein pour créer un futur un peu plus grand que le présent. Joyeuses Fêtes!
Fabienne Cabado
Directrice générale du RQD