Décès de la danseuse Nathalie Buisson
C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès de la danseuse Nathalie Buisson le 25 juillet 2013. Nathalie était, pour tous, une femme d’exception qui s’est battue contre la maladie avec toute la force que nous lui connaissons.
Mère dévouée, amie précieuse et danseuse exceptionnelle, elle laisse le souvenir d’une femme forte et inspirante qui restera toujours présent dans notre mémoire.
J’ai rencontré Nathalie, en participant à l’évènement Coeur en tête, ma rencontre avec elle a été, somme toute, assez brève, le temps de la suivre un peu et découvrir cet être remarquable, un être d’humilité, de bonté, d’intégrité et de force de caractère. Il n’en faut pas moins pour que l’inspiration que laisse derrière une telle rencontre soit marquante à jamais.
Le parcours de Nathalie Buisson fait d’elle une ambassadrice de tout ce que la discipline de la danse a de plus noble, la présence au corps, au défi, à l’autre, à soi, à l’engagement et à ce qui s’appelle avoir du cœur au ventre.
En mon nom personnel et en celui du Regroupement québécois de la danse, j’aimerais offrir mes plus sincères condoléances à la famille et aux proches de Nathalie Buisson.
Marc Boivin
Président du Regroupement québécois de la danse
Album hommage sur Flickr
Message du mari de Nathalie Buisson, Luis Pino :
Nous aimerions rendre un hommage photographique à Nathalie. Pour vous permettre de participer à cet hommage, je vous invite à transmettre vos photos par courrier électronique à l’adresse suivante: come72mum@photos.flickr.com
Je vous invite à transmettre une photo à la fois. Vous pouvez utiliser la ligne Objet pour donner un titre à vos photos et le corps du message pour ajouter une description. Vous pouvez également transmettre de courtes vidéos (pas trop, notre espace est limité!).
Les photos seront automatiquement ajoutées à un compte flickr spécifiquement dédié à Nathalie. Vous pourrez les visionner au : http://www.flickr.com/people/hommage_nathalie/
Hommages, témoignages et articles au sujet de Nathalie :
Témoignage de Sylvain Lafortune livré lors des funérailles (intégral ci-bas)
Les Grands Ballets Canadiens de Montréal
Mot de Parise Mongrain du CRTD
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La famille encourage les personnes qui souhaitent contribuer à la lutte contre le cancer du cerveau à faire un don à la Fondation du CHUS, à l’intention du laboratoire du Dr Fortin pour la recherche et le traitement des tumeurs cérébrales. Pour faire un don : 1-866-820-6450 / www.fondationchus.org
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Témoignage de Sylvain Lafortune pour les funérailles de Nathalie Buisson
Lundi, 5 août 2013
J’ai connu Nathalie en 1990. Je revenais travailler aux Grands Ballets Canadiens après une absence de 6 ans à l’étranger et je découvrais avec plaisir toute une nouvelle génération de danseuses et danseurs formés ici. Pour la première fois de leur histoire, Les Grands Ballets Canadiens comportaient une majorité de danseurs québécois et l’œuvre de Mme Chiriaeff portait fruit. J’ai l’air de faire un commentaire politique, et d’une certaine manière, j’en fais un… et en le faisant, je fais surtout un clin d’œil à Nathalie. Nathalie aimait parler politique.
Je veux aussi témoigner du très fort sentiment d’appartenance qu’elle ressentait envers la communauté de la danse du Québec. Elle était fière de son parcours, reconnaissante envers les opportunités dont elle a pu profiter, proche des collègues avec qui elle a dansé, attachée aux institutions qui l’ont accueillie et nourrie. Elle croyait que le talent d’ici valait celui d’ailleurs et elle l’a prouvé en travaillant avec les plus grands chorégraphes de notre époque.
Elle croyait aussi que beaucoup d’aspects de la pratique de la danse pouvaient être améliorés et sentait qu’elle avait la responsabilité, la volonté et la capacité de le faire.
Les moments passés à discuter avec Nathalie restent parmi mes meilleurs souvenirs. Nathalie aimait jaser. Combien de fois avons-nous ensemble déconstruit et reconstruit le monde de la danse? Ça stimulait notre réflexion, mettait de l’ordre dans nos idées, nous permettait de ventiler nos frustrations, nous emballait, nous amusait beaucoup aussi. Et surtout, ça créait entre nous une chaleureuse complicité. L’amitié et l’affection que j’ai immédiatement ressenties pour Nathalie se sont approfondies avec le temps. Nathalie est devenue la petite sœur que je n’ai jamais eue.
Dans une des premières conversations que j’ai eue avec elle, Nathalie me confiait combien elle souhaitait avoir l’air d’une femme quand elle dansait, plutôt que de jouer le rôle de nymphette, délicate et puérile, souvent mise en scène dans les ballets plus traditionnels.
Naturellement, Nathalie dégageait une force physique, une puissance intérieure, une stabilité, un poids… Plus elle gagnait en maturité et en assurance, mieux Nathalie assumait cette qualité qui caractérisait sa danse et la distinguait. C’est cette qualité qui séduisait tous ceux qui l’ont vue danser.
Pour Nathalie, la pratique de la danse ne devait pas se faire en vase clos, dans un monde idéalisé en marge de la réalité, mais devait rester connectée à la vraie vie. Si la danse restait un aspect important de son identité, Nathalie voulait aussi profiter au maximum de la multitude d’expériences qui s’offraient à elle, afin de s’enrichir en tant que personne et, conséquemment, en tant qu’artiste.
Son amie Renée Robert racontait cette anecdote : devant l’autobus qui passait et qu’elles allaient manquer, Nathalie partait à courir pour le rattraper. Nathalie a vécu sa vie comme une aventure, toujours prête à partir. Infatigable, insatiable, elle aura vécu trois vies en la moitié d’une.
En regardant toutes les photos témoignant de sa vie, une constante demeure : l’expérience physique. Dans ses temps libres, Nathalie ne faisait pas de l’aquarelle, elle n’écrivait pas de poésie, elle ne jouait pas de la flûte. Je crois que son rapport au monde était d’abord et avant tout physique. Nathalie aimait bouger. Quand elle faisait de la musique, c’était en tapant sur une batterie. Ce n’est donc pas par hasard qu’elle est devenue danseuse. Ce n’est pas non plus par hasard qu’elle est tombée amoureuse d’un aventurier encore plus physique qu’elle et que ses enfants escaladaient des roches avant de pouvoir marcher.
Mais c’est aussi son corps qui l’a trahie. Elle, qui a passé sa vie à en comprendre les nuances, à le sentir, à le goûter, à le contrôler, elle ne se reconnaissait plus dans ce corps transformé par la maladie : inconfortable, imprévisible, incontrôlable. Trahison d’autant plus grande pour une danseuse qui s’est approchée de la perfection.
Vers la fin, marcher lui demandait énormément d’effort et de concentration. Aussitôt qu’elle se fiait à ses instincts, qu’elle bougeait sans y mettre toute son attention, elle perdait l’équilibre. Elle ne pouvait plus faire confiance à ce corps qui l’avait pourtant si bien servie.
Elle s’est acharnée à retrouver sa motricité perdue, à maîtriser les pas les plus difficiles de sa carrière. Ensemble, nous discutions de technique pour s’assoir, se lever du lit, se déplacer, entrer dans la piscine. Ses difficultés l’étonnaient, la décourageaient, mais la faisaient rire aussi. Comment avait-elle pu devenir si maladroite?
Cette capacité à rire, d’elle-même, de la situation, même dans les moments difficiles, aura été chez elle la caractéristique la plus inspirante pour moi. Elle ne s’est jamais apitoyée longtemps sur ce qui lui arrivait et préférait toujours l’action. Elle continuait d’aller voir des spectacles, toujours curieuse et capable de confronter le monde. De sa chaise roulante, elle était fascinée, et même amusée, par le regard embarrassé de ceux qui ne la reconnaissaient plus. Elle se présentait alors tout simplement à eux: « C’est moi, Nathalie. » Et c’est ainsi que Nathalie sera restée Nathalie jusqu’à la fin : lucide, transparente, ouverte, courageuse, curieuse, drôle.
C’est difficile pour moi d’imaginer un monde sans elle. Si cette terrible épreuve a un sens, c’est celui que Nathalie elle-même lui donnait : la vie est courte, elle est imprévisible, il faut goûter à chaque moment qui s’offre à nous. C’est ce que Nathalie faisait. À nous d’honorer sa mémoire en le faisant à notre tour.