Création de spectacles et écoresponsabilité
La création de spectacles implique bien souvent l’acquisition de décors, de costumes et d’accessoires. Comment réussir à réduire l’empreinte environnementale d’une production artistique tout en conservant l’intégrité du processus créatif? Cet article vous offre quelques pistes de réflexion concernant la scénographie, les costumes, le maquillage ainsi que l’utilisation du spectacle comme plateforme de sensibilisation aux enjeux environnementaux.
Définitions et ressources
On entend de plus en plus parler d’écoconception depuis quelques années. Qu’est-ce que ça veut dire exactement? L’écoconception est l’intégration des considérations environnementales dès les phases de conception d’un produit ou, dans ce cas-ci, d’un spectacle. L’idée est de réfléchir au-delà du spectacle et de penser à ce qu’il adviendra des matériaux utilisés pour les décors et les costumes après la tombée du rideau.
Plusieurs ressources existent pour vous soutenir dans vos démarches d’écoconception. Écoscéno, situé à Montréal, vise à promouvoir le réemploi de décors. La Remise culturelle – ressourcerie, à Québec, a un objectif semblable. Sinon, les bonnes vieilles friperies peuvent également nous aider à atteindre nos objectifs de réduction à la source en vue d’éco-concevoir un spectacle.
Scénographie
L’écoconception a été développée en réponse à tous les impacts environnementaux qui peuvent découler de la scénographie, notamment au niveau du choix des matériaux et de leur gestion en fin de vie.
Comment bien choisir ses matériaux? La première piste de solution est de réduire la quantité de matériaux requise ou de réutiliser des matériaux usagés pour concevoir les décors. Si des matériaux neufs doivent être achetés, certains éléments doivent être gardés en tête:
- Pour le bois, il est conseillé d’utiliser du contreplaqué, facile à réutiliser, ou encore du bois brut, qui ne contient pas de produits chimiques. Par ailleurs, il est suggéré de ne pas utiliser de colle afin d’être en mesure de réutiliser les matériaux par la suite. Les bois certifiés FSC, SFI, PEFC ou CSA peuvent également être privilégiés.
- Pour les métaux, l’aluminium et l’acier devraient être privilégiés, tout en se rappelant de l’importance de s’approvisionner en matériaux locaux. Ces deux types de métaux nécessitent moins d’énergie lors du recyclage.
- Pour les produits de finition (peintures, vernis, epoxy, etc.), faites attention aux composés organiques volatils (COV) et évitez au maximum les peintures à l’huile.
Par ailleurs, il faut penser à ce qu’il adviendra de ces décors, matériaux et accessoires après le spectacle. C’est d’ailleurs le constat que les décors prennent rapidement le chemin de l’enfouissement suite à une production que Marianne Lavoie, accompagnatrice en écoconception chez Écoscéno, a décidé de s’intéresser à l’écoconception.
«Alors que je dessinais mes idées de décors sur le verso de feuilles utilisées, je n’avais pas songé au sort du décor une fois les rideaux tombés. Un peu à l’instar du bac recyclage qui amenuise notre culpabilité, j’espérais que les éléments soient conservés ou triés. Comme s’il existait un système de prise en charge des décors. Je ne m’étais alors pas rendue compte que nous, les concepteurs·trices, nous participons à ce système de consommation et y avons un rôle important à jouer.»
– Marianne Lavoie, Accompagnatrice en écoconception chez Écoscéno
C’est pourquoi il est important de se questionner sur la gestion des matériaux dès la phase de conception. Si on n’y pense suffisamment tôt dans le processus de conception, il est possible de réutiliser, partager, recycler et disposer adéquatement des décors et matériaux après un spectacle!
Costumes et maquillage
L’industrie de la mode, du vêtement et du textile est la deuxième plus polluante au monde[1]. Pour éviter que la conception de costumes et de spectacles n’exacerbe les impacts désastreux de cette industrie aux niveaux social et environnemental, il faut mettre la réduction et la réutilisation au cœur de la conception de costumes.
Il est possible d’utiliser une pièce usagée comme point de départ du processus créatif, plutôt que de partir d’un canevas vide. Sébastien Provencher, chorégraphe et interprète, tente d’appliquer au maximum ses pratiques écoresponsables quotidiennes à sa pratique professionnelle. Plutôt que d’acheter du jetable, il tend graduellement vers la réutilisation de tissus, costumes et objets usagés.
«Le processus créatif change un peu: normalement, on y va dans les fantasmes et les idées sans limites, alors qu’avec une approche plus écoresponsable, on essaie d’intégrer des objets déjà créés et d’en faire émerger de nouvelles idées.»
– Sébastien Provencher, chorégraphe et interprète
Comment y arriver? Il faut visiter les friperies et les magasins qui vendent des tissus usagés, recourir aux ressources comme Écoscéno et s’appuyer sur ses collègues. Les costumes d’un spectacle peuvent être réutilisés ou transformés pour être employés dans un autre spectacle.
Le maquillage est également un élément important du processus créatif. Toutefois, il faut savoir que certains produits cosmétiques ont des effets néfastes sur les ressources en eau ainsi que la santé humaine et la qualité des écosystèmes. À titre d’exemple, voici quelques produits à éviter[2]:
- Le laurethsulfate de sodium, un agent moussant présent dans plusieurs savons, est persistant dans l’eau, cancérigène et nuit au développement des organismes;
- Les phtalates, que l’on retrouve notamment dans les produits parfumés, sont des perturbateurs endocriniens qui ont des effets néfastes sur le système hormonal des humains et des animaux;
- Le triclosan, présent dans certaines lotions hydratantes, est persistant dans l’environnement et nuit aux bactéries essentielles à l’équilibre des écosystèmes;
- Le parabène, qui compose plusieurs produits de maquillage, est associé à une augmentation des cancers du sein et peut perturber les systèmes endocriniens d’espèces aquatiques.
Il convient donc de réfléchir à notre utilisation de certains produits et d’essayer de repérer les produits homologués (Écologo, Écocert) ou non testés sur les animaux. Idéalement, il faut également favoriser les produits dont la liste d’ingrédients est courte ou faire vos propres produits!
Communiquer et sensibiliser
Les efforts que vous faites vers une conception plus écoresponsable de vos spectacles doivent être soulignés. Partagez vos réussites et vos défis avec des collègues, des partenaires et même avec votre public. Certaines personnes pourront peut-être s’inspirer de votre démarche. Par ailleurs, il est important de maintenir le dialogue autour des enjeux environnementaux liés à la création de spectacles.
Aussi, n’oubliez pas qu’il est possible d’utiliser votre spectacle comme plateforme pour sensibiliser votre public. Pourquoi ne pas faire résonner les enjeux environnementaux dans vos performances lorsqu’il est possible de le faire?
Il n’est donc pas question de mettre des limites au processus créatif, mais bien d’utiliser de nouveaux points de départ. Plutôt que de démarrer avec un canevas vide, pourquoi ne pas utiliser des objets usagés ou des éléments de décor passés comme point de départ pour la conception d’un spectacle. En gardant en tête les bonnes pratiques d’écoconception, en essayant de réduire à la source la quantité de matériel requis, en évitant les produits nocifs et polluants et en communiquant votre engagement, vous parviendrez certainement à créer des spectacles créatifs, inspirants et plus respectueux de l’environnement.
[1] Selon Oxfam. https://www.oxfamfrance.org/agir-oxfam/impact-de-la-mode-consequences-sociales-environnementales/
[2] Selon le Réseau des femmes en environnement. https://www.rqfe.org/defi-6