Danse et pandémie: attention, fragiles
Dernier bulletin de la saison 2019-2020 au RQD. Tout le monde étant encore sous le choc du traumatisme collectif du confinement, il est aussi difficile d’esquisser un premier bilan de l’année que de formuler des rêves d’avenir. La reprise des activités en danse est timide, sérieusement entravée par les mesures sanitaires en vigueur et par les difficultés financières. La crise est loin d’être finie. Les aides gouvernementales sont loin de suffire à préserver l’écosystème de la danse professionnelle. Le revitaliser sera tout un défi. Le travail invisible et la précarité augmentent. Les inégalités se creusent. Le processus de décolonisation des arts est en péril. Artistes et travailleurs culturels tirent comme jamais sur l’élastique déjà bien trop tendu de l’épuisement professionnel, sans compter les impacts psychologiques et somatiques des contacts physiques interdits et d’une liberté de création contrainte. L’heure est grave. Elle nous demande de conjuguer vacances et réflexions pour établir un plan de sauvetage et de reconstruction pour la danse.
Au RQD, l’été sera donc fait de concertation et de collecte de données. Au-delà des indicateurs qui permettront des représentations ciblées auprès des instances gouvernementales, au-delà du partage d’idées qui favoriseront l’adaptation aux nouvelles réalités de la pratique professionnelle, les rencontres estivales programmées visent une réflexion sur les leçons à tirer de la crise et sur les pratiques à privilégier pour soutenir le secteur de la danse dans une perspective de développement durable, d’équité, d’inclusion et de saines relations de travail.
Dessiner de nouvelles perspectives pour la danse, développer de nouvelles formes de solidarité et proposer des solutions qui incitent nos élus et autres décideurs à faire preuve de cette capacité de réinvention à laquelle ils exhortent les artistes. Trouver les arguments pour qu’ils se décident à innover en procédant à une révision salutaire des modèles et du niveau de financement des arts pour les sortir de la logique marchande et productiviste. Tel est le projet. Vaste. Utopique. Essentiel. D’autant plus que la solidarité interdisciplinaire est mise à mal par la crise, chaque secteur luttant pour sa survie et sa relance, pour une part de gâteau qui soit la plus belle possible. C’est légitime. C’est aussi dangereux. Car cela perpétue les inégalités et les fragilités en renforçant le fonctionnement et les structures d’un système inapte à exalter la diversité de l’expression artistique québécoise.
L’histoire a donné maintes preuve du courage, de la créativité et de la résilience exceptionnels de la communauté de la danse québécoise. Une fois de plus, le RQD est là pour entendre ses besoins et ses désirs, défendre ses intérêts et l’accompagner sur les chemins qu’elle décidera d’emprunter. Il profitera pendant l’été des voix de ceux et celles qui auront le temps et l’énergie de participer aux diverses activités de consultations et soumettra plus tard les résultats de ces travaux à l’ensemble de ses membres. D’ici là, tâchons de reprendre des forces et de rester en santé pour une rentrée que l’on espère plus douce que ne l’a été ce printemps.
Fabienne Cabado
Directrice générale du Regroupement québécois de la danse