Deux rencontres fédératrices et inspirantes avec les membres du RQD
Mi-avril, le Regroupement québécois de la danse (RQD) a organisé deux visioconférences avec ses membres corporatifs et individuels pour faire un point sur la crise engendrée par la COVID-19. Des rencontres fructueuses et salutaires qui ont permis à près de 200 professionnels de la danse de partager leurs besoins, leurs réflexions et de poser leurs questions. Le RQD a recueilli une grande richesse d’informations qui lui permettront notamment d’articuler une vaste opération de concertation au sein du milieu pour préparer le futur.
La directrice générale du RQD a ouvert chaque séance en partageant les points-clés d’une consultation du gouvernement provincial à laquelle le RQD était convié, avant d’inviter les membres à s’exprimer sur leurs enjeux.
Du côté des aides financières
Les membres individuels avaient plusieurs questions techniques sur la Prestation canadienne d’urgence (PCU), indice de la difficulté à comprendre l’ensemble des critères des mesures de soutien gouvernementales (revenus admissibles, prise en compte du revenu brut plutôt que du revenu net, etc.). Les échanges ont aussi permis de pointer que certains artistes n’y sont malheureusement pas admissibles.
“Comment soutenir les réflexions artistiques? Il faut repenser le travail individuel et [voir] comment notre nouveau rythme peut être soutenu.” Andrew Tay, commissaire artistique du CCOV
Plusieurs artistes se sont interrogés sur la possibilité de développer de nouveaux modèles de soutien centrés sur leur nouvelle réalité, pour les accompagner dès maintenant et lors de la relance.
Sébastien Provencher, interprète et chorégraphe, a par exemple nommé l’idée d’un soutien à la recherche fondamentale qui pourrait s’appliquer sur une certaine période, plutôt que pour un projet. On a par ailleurs précisé que les compagnies non soutenues au fonctionnement pourraient probablement bénéficier de l’aide fédérale aux arts et à la culture de 500 M$, enveloppe dont les détails n’étaient pas encore annoncés.
L’avenir des tournées
De nombreuses incertitudes planent quant à la reprise des tournées. Quand sera-t-elle possible et sous quelles conditions? Les hypothèses et témoignages de plusieurs membres montrent qu’il est difficile de prendre des décisions pour le moment. De son côté, l’École de danse contemporaine de Montréal (EDCM) se demande si les étudiants étrangers pourront faire leur rentrée pour la session d’automne. Des questionnements qui resteront sans réponse jusqu’à ce qu’on dispose de directives claires quant à la réouverture des frontières et aux exigences sanitaires.
Des membres ont suggéré de mettre l’emphase sur une diffusion de la danse au Québec dans un premier temps, ce qui réduirait aussi l’impact environnemental des compagnies.
La discussion s’est orientée ensuite vers la notion de force majeure, qui diffère d’un pays à l’autre et même d’une province à l’autre. Pierre-David Rodrigue, directeur général de La danse sur les routes du Québec, a rapporté les propos de l’avocate Sophie Préfontaine issus d’une rencontre tenue avec des agents: dans le cas d’une entente conclue à compter du 13 mars 2020, on ne peut plus invoquer le cas de force majeure pour des annulations liées à la COVID-19 étant donné que la situation de pandémie était connue. Son conseil serait d’éviter de signer des contrats pour le moment.
Inventer de nouvelles manières de présenter la danse
Des questionnements se sont notamment posés quant à la diffusion des oeuvres en ligne. Comment transmettre l’âme de la danse derrière un écran? Comment offrir un contenu de qualité en devant composer chacun chez soi avec un équipement de piètre qualité? Quel message la gratuité fait-elle passer? Et comment maintenir l’intérêt du public pour des spectacles en salle?
“Il va falloir être vraiment créatif sur nos manières de communiquer la danse et d’intervenir artistiquement.” Benoît Lachambre, directeur artistique de Par B.L.eux
Si les processus créatifs en danse se trouvent fortement impactés par la situation actuelle, plusieurs artistes et diffuseurs se sont montrés ouverts à réfléchir à de nouvelles possibilités. L’idée de créer un espace de diffusion de la danse en ligne, qui accorderait une nouvelle visibilité à la discipline, en est une, tout comme le fait de réfléchir à l’image de la danse que le milieu souhaite véhiculer. Certains voient également dans cette crise une opportunité de faire valoir la valeur des artistes et de s’affairer au maintien de la relation avec le public.
“Il faut nous renforcer tous et la pensée artistique nous permet de nous soutenir en tant qu’artistes et êtres humains.” Martin Faucher, codirecteur général et directeur artistique du FTA
Lucie Boissinot, directrice artistique de l’EDCM, évoque de son côté la possibilité de développer avec le milieu des outils pédagogiques pour une retransmission virtuelle.
Prendre soin de sa santé
Une interprète a ému l’assistance en évoquant le deuil de la danse telle qu’elle était pratiquée avant la pandémie, un deuil à faire individuellement et collectivement. Plusieurs artistes ont parlé d’un accompagnement psychologique nécessaire, comme celui mis en place par L’Artère.
“C’est bien de savoir où on est pour savoir vers quoi on s’en irait collectivement.” Ariane Voineau, responsable des activités et de la programmation de L’Artère
Concernant la reprise des activités, des membres ont suggéré d’établir au préalable une charte de règles sanitaires à respecter dans le milieu de la danse, qui permettrait notamment de se mettre en quarantaine sans pénalité lors de symptômes de la maladie.
Présent et futur du milieu de la danse
Le RQD prévoit opérer une vaste opération de concertation autour de thématiques ciblées pour mieux cerner les impacts de la crise, réfléchir à ce qu’elle peut impliquer à court, moyen et long terme et trouver ensemble les moyens de traverser cette crise et de s’en relever. D’une voix commune, les membres ont souhaité mêler tous les secteurs de la pratique dans ces discussions à venir, plutôt que de les mener en silos.
Fabienne Cabado a rappelé l’importance de travailler en synergie pour éviter de dédoubler le travail et invité les membres à faire part au RQD de toute initiative de concertation afin que l’information circule bien et de maximiser le soutien que l’organisme pourrait offrir.
Pour Francine Bernier, il est nécessaire d’agir et de penser à l’après dès maintenant et elle prévoit ouvrir les portes de sa salle de spectacle à l’automne pour présenter des solos, en prenant toutes les mesures sanitaires nécessaires.
“Il faut de la résistance et être présent. On reconstruit et on fait avec ce qui est là.” Francine Bernier, directrice générale de l’Agora de la danse
Tangente et La Maison pour la danse de Québec s’alignent aussi sur la volonté de permettre aux artistes de créer tout en respectant les recommandations gouvernementales.
Des membres ont souligné que la réponse fédérale à la situation de crise offre une bonne occasion de travailler ardemment sur la question du filet social auquel les artistes et travailleurs autonomes mériteraient d’avoir droit et peut-être même, de commencer à tracer une voie vers un statut d’intermittent du spectacle comme il en existe en France.
Plusieurs participants ont également évoqué que ce temps d’arrêt forcé représente une opportunité inégalée pour proposer de nouvelles initiatives, repenser les manières de travailler et réfléchir aux valeurs collectives de la communauté de la danse.
Le RQD a récolté les nombreux questionnements apparus dans ces rencontres et pourra communiquer l’information nécessaire aux fonctionnaires et élus concernés. D’autres rencontres de concertation se tiendront régulièrement pour réfléchir ensemble à l’avenir de la danse. Soyez-y! Votre présence et votre parole sont importants!