Élections municipales 2013 : Quelle vision culturelle pour Montréal?
«Ce qui me frappe ici, c’est l’extraordinaire niveau des talents artistiques dans un contexte où la culture ne semble pas être prise tout à fait au sérieux.» Les propos sont de Bernard Foccroulle, organiste, compositeur, pédagogue et directeur du Festival d’Aix-en-Provence, de passage à Montréal cette semaine. Ce dernier «rêve pour Montréal de politiques plus affirmées dans le domaine culturel.» (Le Devoir, 3 oct.)
Ces propos sont particulièrement d’actualité, en pleine campagne électorale et au lendemain de la présentation publique sur la culture des principaux candidats à la Mairie de Montréal.
C’est à l’invitation de Culture Montréal que l’Équipe Denis Coderre pour Montréal, Marcel Côté, chef de Coalition Montréal, le Groupe Mélanie Joly et Richard Bergeron, chef de Projet Montréal ont présenté, le 1er octobre dernier, leur plateforme culturelle (cliquez sur les liens ci-dessus pour en prendre connaissance).
Voici un petit tour d’horizon – non exhaustif – des différentes propositions ou plutôt de ce qui nous a intéressés lors du débat.
Si tous les candidats s’entendent sur le fait que la culture est importante pour le développement de nos villes, qui serait contre cette idée?, ils ne proposent pas tous les mêmes moyens pour la soutenir.
Bien sûr, tous entendent refaire une beauté à la ville, essentiellement par l’art public, en vue du 375e anniversaire en 2017. Tous ont parlé de legs permanents, au-delà d’une programmation évènementielle (lesquels?). Mais au-delà des ambitions exprimées de faire de Montréal une véritable capitale culturelle, de revoir son image de marque et de miser sur la culture pour la faire rayonner, qu’en est-il des engagements concrets?
Concernant le financement, et au premier plan l’augmentation du budget du Conseil des arts de Montréal, seul Projet Montréal s’engage à faire passer son budget de 12,5 à 20M$ en 2017, soit 0,004% du budget global de la Ville! Coalition Montréal propose une hausse annuelle de 10% du budget, le 20M$ serait ainsi atteint en 2018. Denis Coderre ne s’avance pas, il veut d’abord analyser la situation budgétaire de la Ville. Mélanie Joly situe son augmentation entre 15 et 17M$ d’ici quatre ans par l’instauration d’une taxe sur l’affichage publicitaire. Pour financer quels projets? Le CAM sur ce point ne manque pas de vision et présente dans un document ses besoins financiers jusqu’en 2017 pour soutenir les créateurs montréalais.
Au chapitre de la médiation culturelle, grand sujet s’il en est un (confondu ici et là avec la participation culturelle), bien que tous s’entendent sur son importance, aucune proposition concrète ne se dégage, si ce n’est l’engagement de Marcel Côté à consulter le milieu pour le renouvellement de l’Entente sur le développement culturel entre la Ville de Montréal et le ministère de la Culture et des Communications qui vient à échéance en 2015. Par ailleurs, ce renouvellement serait l’occasion, a-t-il précisé, d’injecter des fonds supplémentaires, rejoignant ainsi l’une des propositions de la plateforme de Culture Montréal.
La même chose pourrait être dite sur l’importance de la culture dans les arrondissements et sur le rôle de premier plan qu’occupent les maisons de la culture. Sur ce point tout le monde s’accorde, pourtant rien de très concret n’est avancé concernant le financement, qui devrait être revu nettement à la hausse, et la manière d’instaurer une synergie entre les arrondissements et la Ville centre. Soulignons toutefois la présence de François Croteau, maire de l’arrondissement Rosemont-La-Petite-Patrie (il représentait Projet Montréal en remplacement du chef de parti, Richard Bergeron), dont les propos se démarquent du lot, puisqu’appuyés sur une réelle expérience de développement culturel de proximité.
En ce qui concerne les conditions de vie et de pratique des artistes, l’équipe de Richard Bergeron s’engage à exercer davantage de leadership pour protéger les lieux de diffusion et à préserver un million de pieds carrés d’ateliers d’artistes sur l’ensemble de l’île. A ce sujet, Marcel Côté entend solutionner le problème de la précarité des artistes en misant sur la diffusion… Denis Coderre suggère quant à lui une baisse de 30% des taxes foncières sur les locaux d’artistes. Mélanie Joly souhaite encourager l’économie sociale et financer des projets citoyens. Aux artistes de faire valoir leurs besoins!
Au sujet de la gouvernance, Denis Coderre présente une équipe de trois personnes en la matière (Manon Gauthier à la culture, Sébastien Dhavernas au patrimoine et aux célébrations du 375e ainsi que Hélène Fotopoulos au design et à l’architecture). Il créerait également un commissaire au développement économique affecté à la culture. Mélanie Joly entend pour sa part créer un poste de conservateur en chef qui veillerait à la cohérence et l’intégration de l’art public à la planification urbaine.
Si les mots médiation culturelle, diversité culturelle, arrondissements et culture de proximité, art public, design urbain, rayonnement, image de marque, transport, stationnement ont été prononcé à maintes reprises, force est de constater que bien peu a été dit au cours de la soirée sur les arts vivants, la fréquentation du spectacle professionnel en salle, ou encore les conditions sociaux-économiques des artistes et travailleurs culturels des arts de la scène.
Preuve qu’il y a encore du travail de sensibilisation à faire auprès de nos futurs élus!
Faites-vous entendre auprès de vos candidats! Le résultat de la campagne aura certainement des impacts sur vos conditions de travail, de vie et de pratique, mais également sur les conditions de diffusion et de rencontre avec les publics.
Et un peu de lecture …
Trois articles sur la campagne électorale montréalaise :
«Tous pour la vertu, tous pour la culture…», La Presse, 2 octobre 2013.
«Quatre visions pour la culture montréalaise», Journal Métro, 2 octobre 2013.
«Prendre la culture au sérieux», Le Devoir, 3 octobre 2013 [article réservé aux abonnés].
Et un texte sur les élections en Montérégie, signé par le Conseil montérégien de la culture et des communications :
Sensibiliser les élus aux arts et à la culture, 2 octobre 2013.