Le codéveloppement en numérique: pourquoi s’y aventurer?
Avez-vous déjà entendu parler du codéveloppement? C’est l’aventure dans laquelle ont choisi de se lancer sept membres du Regroupement québécois de la danse (RQD) depuis le mois de septembre 2020 pour accroître leurs connaissances, partager conseils et expériences et réfléchir ensemble à la mise en œuvre de leurs projets numériques. Le RQD vous propose de revenir sur les apprentissages retenus ainsi que les bénéfices de cette démarche d’intelligence collective qui peut s’appliquer dans bien des domaines! Mais avant tout, prenons le temps de comprendre ce qu’est le codéveloppement.
Le codéveloppement: qu’est-ce que c’est?
Tel que son nom l’indique, cette formule permet à un groupe de personnes de développer de manière collective un projet, une idée ou de trouver une solution à une problématique. Selon les experts et auteurs Adrien Payette et Claude Champagne: «Le groupe de codéveloppement professionnel est une approche de développement pour des personnes qui croient pouvoir apprendre les unes des autres afin d’améliorer leur pratique. La réflexion effectuée, individuellement et en groupe, est favorisée par un exercice structuré de consultation qui porte sur des problématiques vécues actuellement par les participants…»[1].
Comment ça marche?
Le groupe de codéveloppement numérique du RQD s’est réuni à huit reprises et a bénéficié de l’encadrement d’Ananda Dubé-Gauthier, diplômée en psychosociologie des relations humaines et facilitatrice en codéveloppement professionnel axé sur le déploiement de compétences et de connaissances numériques.
Voici les grands principes de la méthode de codéveloppement:
- Chaque participant est invité à décrire le contexte de son projet numérique et à formuler une demande d’accompagnement par le groupe. La rencontre est alors entièrement dédiée à ce projet autour duquel les participants échangent dans le respect et la confidentialité.
- Les participants du groupe de travail peuvent poser des questions de clarification contextuelles et factuelles.
- Une fois que le contexte du projet semble assez clair pour tous, un «contrat» d’accompagnement est alors défini pour nommer les attentes, la demande et l’axe de la discussion à poursuivre.
- Les participants endossent le rôle de consultants et exposent à tour de rôle leurs impressions sur la situation, ainsi que les solutions envisageables. Des stratégies et des actions sont alors collectées et proposées afin d’aider le porteur de projet à cheminer vers les autres étapes de son projet ou tout simplement à mieux l’appréhender dans son ensemble.
- La personne accompagnée fait un retour sur les visions nouvelles de sa situation ainsi que sur les solutions proposées. Elle en choisira une ou deux qui lui semblent plus pertinentes et s’engage envers le groupe à les essayer et à leur faire un retour lors de la prochaine session.
Pour en savoir plus sur les étapes du codéveloppement, le Réseau des Agents de Développement culturel Numérique (RADN) propose cette ressource.
Numérique et codéveloppement: un duo gagnant
Le codéveloppement est une approche participative très connectée à la pratique professionnelle. Cette méthode permet de renforcer les compétences numériques dans le milieu de la danse, tout en favorisant l’autonomie des participants. Elle favorise l’acquisition d’une littératie numérique[2], sans le caractère formel et parfois peu attractif d’apprentissages plus directifs. En croisant leurs perspectives avec celles de leurs pairs, les participants agissent ainsi à la fois sur leur propre réalité et sur celles de leur milieu.
Quels sont les apprentissages retenus?
Si la formulation des stratégies et des solutions représente un réel aboutissement, la démarche constitue un apprentissage en soi. Aucun niveau de connaissances spécifiques en numérique n’était requis pour participer à cette formation.
Avec le codéveloppement, le partage se fait en toute humilité et bienveillance, ce qui facilite l’expression des questionnements, doutes et craintes de chacun. La définition des besoins constitue d’ailleurs un des premiers défis du processus, que le groupe permet de relever en aidant à mieux cerner le problème à résoudre. En bénéficiant du regard extérieur de ses pairs, le participant développe également un nouveau vocabulaire numérique qu’il peut utiliser à son tour.
«J’ai appris qu’à partir d’une demande très vague, nous pouvons, à l’aide des questionnements de nos pairs, arriver à quelque chose de plus pointu et saisir le besoin réel de la personne accompagnée.» [3]
Il a également été constaté que les peurs et l’inconfort liés au numérique s’estompent progressivement au profit d’une volonté de donner et partager. Les participants développent progressivement une posture d’ouverture au changement.
«J’observe que nous sommes vraiment intimidés par le numérique. On voit cela comme étant étranger à nous. On pense que cela nous est inaccessible parce que nous ne possédons pas les compétences techniques. Je me rends compte, avec les derniers ateliers de codéveloppement, que cette distance-là n’a pas vraiment lieu d’être. On peut le faire avec nos instincts, notre curiosité et c’est un peu épeurant parce qu’on le fait avec nos sensibilités. Notre meilleur outil, c’est nous-même finalement.»
Lorsque les besoins sont identifiés, il est alors plus facile de savoir vers quelles ressources se tourner.
Pour en savoir plus sur les projets abordés dans le cadre du groupe de codéveloppement numérique du RQD, voici trois cas concrets (stratégie numérique, création de site web et cours de danse virtuels) comprenant la problématique formulée et les stratégies proposées.
Le codéveloppement, une aventure humaine, collaborative et collective
En créant des liens entre les participants, les séances de codéveloppement contribuent à rompre avec le sentiment de solitude et d’isolement que peuvent éprouver certains pigistes, d’autant plus dans un contexte de pandémie. Cet espace de partage et d’échange instaure un climat de confiance. Tout aspect de concurrence ou de méfiance tombe alors pour faire émerger des solutions de manière collective et collaborative. Les intelligences individuelles fusionnent et favorisent un climat de cocréation pour faire émerger des solutions et des ressources, développer des compétences numériques, une vision et un vocabulaire commun. Se développe également un sentiment d’appartenance à une communauté de pratique capable de partager, faire naître et circuler des idées.
La participation d’experts
Il est certain que la pensée, les compétences et les connaissances collectives du groupe ont une limite. C’est pour cette raison que l’apport des experts joue un rôle important dans le processus. Invités à participer de manière ponctuelle aux rencontres, les experts inspirent alors de nouvelles connaissances et de nouvelles pratiques à l’appui d’exemples concrets afin de montrer ce qui est réalisable avec le numérique. Les participants peuvent alors envisager de nouvelles avenues pour progresser dans leur pratique.
Vers le déploiement d’une pensée numérique
La communication, la collaboration, la pensée critique et la résolution de problèmes font partie intégrante des habiletés développées par le codéveloppement. Cette formule offre un terreau favorable à l’émergence d’une pensée numérique, en plus de permettre aux participants de développer leur littératie numérique et d’augmenter leur habilité à se tourner vers des ressources numériques. La formation a ainsi permis d’amorcer un changement de posture qu’il conviendra de continuer à nourrir.
[1] Adrien PAYETTE, Claude CHAMPAGNE, Le groupe de codéveloppement professionnel, Presse de l’Université du Québec, 1997
[2] Dans le Plan Culturel Numérique du Québec du ministère de la Culture et des Communications (2017), la notion de littératie numérique est définie ainsi: «Ensemble des connaissances et compétences permettant à une personne d’utiliser, de comprendre, d’évaluer, de s’engager et de créer dans un contexte numérique et, d’une façon plus générale, celles lui permettant de participer à la société.»
[3] Commentaires anonymes de participants au groupe de codéveloppement numérique du RQD.