Message québécois de la Journée internationale de la danse par Anne Plamondon
Lorsque le Regroupement québécois de la danse m’a fait la proposition de rédiger le message québécois de la 32ième Journée internationale de la danse, j’ai tout de suite dit oui. Puis l’inquiétude et le doute m’ont gagnée, une sorte de tiraillement, de dilemme intérieur s’est installé. De toutes les facettes de mon identité de femme artiste, l’interprète, la chorégraphe, la professeure, la directrice artistique, la mère et la conjointe, qui pouvait le mieux parler d’Elle, sinon la danseuse? D’aussi loin que ma mémoire se rappelle, la danseuse m’a habitée, a accaparé mon âme, dirigé mes pas, influencé mes décisions, mes passions, mes amours.
J’ai tout appris de la danse, mon école de jeunesse puis de vie, ma raison d’être, ma façon d’être au monde, de le réfléchir, de le faire bouger par la poésie du corps dansant. Elle et moi avons développé une relation d’exception, faite de mystères, de désirs de dépassement, parfois d’incompréhensions et de frustrations mais, plus souvent qu’autrement, de découvertes et de reconnaissances mutuelles.
La danse m’a choisie et je suis devenue, à force d’apprentissages et de patients entraînements, l’une de ses possibles et singulières incarnations, parmi tant d’autres. Car nous sommes des milliers de danseurs et danseuses à en détenir les codes, à en connaître les humeurs, les caprices, les traditions, les avancées.
S’il est d’usage de célébrer, chaque année, la danse comme un en soi, un plus grand que soi, permettez-moi aujourd’hui de transgresser la convention. Parce qu’il me presse de rendre hommage au danseur interprète par qui la danse advient, s’anime, prend forme, devient œuvre, corps scénique, moments de grâce et parfois d’extase, temps de partage méditatif, langoureux, exubérant avec l’autre et avec le public.
J’aime plus que tout la danseuse en moi, mes sœurs et mes frères de studios et de scène, nous qui partageons au quotidien la beauté et les rigueurs de cet art d’interprétation. Un art dont on parle peu, dont on vante peu les prouesses, les inventions, pourtant si concrètes et prenantes dans le corps du danseur. Et comment dire cette relation si mystérieuse, et souvent amoureuse, entre le danseur et le chorégraphe, autour d’une œuvre en devenir.
En dépit des aspérités, des contraintes et des paradoxes du métier, je souhaite du plus profond de mon être de danseuse que ses exigences techniques, esthétiques et éthiques continuent d’être respectées, valorisées et transmises aux générations à venir.
En cette Journée internationale de la danse, j’ose formuler ce désir plus grand que moi et pourtant si fort ancré dans le corps du danseur.
Anne Plamondon, danseuse et co-directrice artistique du Groupe RUBBERBANDance
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Formée en danse classique, Anne Plamondon danse avec les Grands Ballets Canadiens de Montréal, au Nederlands Dans Theater II en Hollande et au Gulbenkian Ballet au Portugal. Pendant cette période, elle interprète les œuvres de plus d’une trentaine de chorégraphes, dont Jiří Kylián, Hans Van Manen, Angelin Preljocaj, et crée des premiers rôles dans des œuvres de Ohad Naharin, Pieter de Ruiter, notamment. En 2002, elle intègre le Groupe RUBBERBANDance et en devient co-directrice artistique trois ans plus tard. Professeure qualifiée, elle participe au développement de la Méthode RUBBERBAND qu’elle enseigne partout dans le monde. En parallèle, elle collabore à la création de plusieurs oeuvres avec Kidd Pivot et Crystal Pite, fait partie de la distribution de plusieurs films, crée et interprète Red Shoes, lauréat d’un Golden Sheaf Award au Yorkton Film Festival. En 2012, elle présente, à l’Agora de la danse, sa première chorégraphie, une oeuvre solo intitulée Les mêmes yeux que toi.
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Lisez le message international de la Journée internationale de la danse du chorégraphe et danseur français Mourad Merzouki et le message canadien de Santee Smith, chorégraphe, interprète et directrice artistique du Kaha:wi Dance Theatre.