Empowerment des artistes aux Prix de la danse de Montréal 2017
Cette année, les prises de parole de la 7e édition des Prix de la danse de Montréal étaient à saveur politique et «sans langue de bois» comme le rapporte Catherine Lalonde dans Le Devoir. Vous n'avez pas eu la chance d'entendre ce que Manuel Roque, Esther Gaudette et Fabienne Cabado avaient à dire lors de la remise du Prix INTERPRÈTE présenté par le RQD et la Caisse Desjardins de la Culture? Extraits choisis.
«Après avoir tenu un rythme effréné, certes hyper stimulant, mais orienté vers les shows et les projets, j’ai aujourd’hui envie d’errer, de refuser de savoir où je vais et d’orienter ma pratique vers le processus plutôt que vers la finalité. Nous sommes de plus en plus nombreux à revendiquer ce besoin. Au-delà d’un épanouissement personnel et professionnel, je pense que ces tendances portent ironiquement les promesses de propositions artistiques franches, originales et en résonnance avec l’état du monde contemporain. Je pense qu’il est dans l’intérêt de tous que l’ensemble de l’appareil subventionnaire et producteur du milieu épouse un peu mieux ces besoins afin d’alléger les pressions orientées vers le produit et renforcer la profondeur du propos. Des premiers pas sont faits, une écoute est là et je salue ces actions, tout en souhaitant un mouvement d’entraînement. Ce n’est pas qu’une question d’argent. C’est une question de faire confiance au temps, au partage des idées, à l’observation plutôt qu’à l’action à tout prix, de faire confiance à la mise en résonnance d’espaces poétiques, politiques, somatiques, sociaux, formels, philosophiques, à tout ce qui peut découler d’expériences désordonnées et impulsives. Les rouleaux compresseurs du divertissement et de la rentabilité pèsent lourd dans l’échiquier de l’offre culturelle actuelle et contaminent insidieusement de nombreuses sphères de l’espace créatif. Peut-être pourrions-nous nous parler un peu moins de chiffres et un peu plus de sensations, d’émotions, d’inspirations, d’aspirations, de questionnements, d’engagements.»
Manuel Roque
Lauréat ex aequo du Prix INTERPRÈTE 2017
«Je voudrais saluer le courage de tous ceux et celles qui dénoncent intimidations et abus de pouvoir depuis les dernières semaines. Ces comportements laissent des traces à vie sur les victimes, qu’ils soient de nature physique ou psychologique. La danse demeure un outil à guérir et à se réapproprier. J’encourage ces personnes à emprunter ce chemin.»
Esther Gaudette
Lauréate ex aequo du Prix INTERPRÈTE 2017
«À la faveur de réflexions avivées par les scandales récents de harcèlement et d’abus sexuels dans les milieux des arts, j’émets le vœu que, en plus de stimuler la fierté de tous les danseurs et de toutes les danseuses, ce prix favorise une forme d’empowerment de ces artistes qui, dès leur formation, sont invités à s’en remettre au regard et au jugement de l’autre, à se mettre corps et âme au service de l’art. Pour le meilleur et parfois pour le pire. Aujourd’hui, ce prix (INTERPRÈTE) peut donc faire figure d’encouragement à ces artistes qui revendiquent de plus en plus, et de plus en plus fort, le respect de leur intégrité physique et psychique, et la reconnaissance de la valeur de leur apport artistique.»
Fabienne Cabado
Directrice générale du RQD
Présentatrice du Prix INTERPRÈTE 2017